La Journée du Podcast à Namur : un porte-voix pour les métiers du son et leur professionnalisation

Auteurice de l’article :
Le 4 avril dernier, le TRAKK de Namur accueillait la toute première Journée du Podcast. Objectif : réunir les professionnel·les et passionné·es du secteur pour échanger, se former et poser les bases d’une structuration collective. Un événement inédit, à l’heure où le podcast explose mais où les créateurices indépendant·es peinent à en vivre et à se visibiliser.
La Journée du Podcast est le fruit d’un constat : le média est en plein essor, mais il manque de visibilité et de structuration en Belgique francophone. “L’idée est née lors d’un workshop avec Caroline Prévinaire, fondatrice du studio La Voix dans ta tête, un studio de podcasts natifs et narratifs belges, explique Charlotte Jeuniaux, MediaLab Manager au TRAKK de Namur. On s’est dit qu’il fallait créer un moment fort autour du podcast, au travers de différents aspects, à la fois comme outil de communication que comme outil de développement économique.” C’est comme ça qu’est née cette journée, organisée par le ProtoLab (dont fait partie le MediaLab), le KIKK et La Voix dans ta tête.
Au menu, conférences, ateliers, écoutes de podcasts, workshops et sessions de networking. Un programme pensé pour toucher à la fois les porteur·euses de projet, les créateurices, les producteurices, les entreprises intéressées par le format.






Parmi ces créateurices, Pamela Morinière (Quelque chose à vous dire) souligne une envie de se connecter. “Ça me manquait de ne pas avoir eu de festival en Belgique pour explorer davantage le monde du podcast (le Brussels Podcast Festival, organisé depuis 2019, n’avait pas eu lieu en 2024). On se sent parfois seul·e derrière son micro. On a besoin d’échanger. C’est difficile d’aller toujours à la pêche à l’info. Pour une fois, l’info venait à nous.”
Céline Duvivier, podcasteuse et productrice (Pod Pod Pod asbl), évoque aussi l’absence de cadre juridique clair : “Il y a une précarité réelle. On ne comprend pas pourquoi Spotify ou d’autres plateformes ne rémunèrent pas les créateurices. On travaille, on investit, mais la chaîne de valeur reste floue”.
RTBF : un acteur majeur, une stratégie encore en développement
Parmi les moments forts : la présentation de la stratégie podcast de la RTBF. Celle-ci articule son offre autour de quatre publics cibles (jeunes adultes, nouvelles générations, adultes 35+, et publics affinitaires – les niches), avec une attention portée à la personnalisation et à la distribution multiplateformes.

En 2024, la RTBF affiche 15 millions d’écoutes sur ses podcasts, dont 11 millions rien que pour La Première. Des chiffres impressionnants qui placent le service public en position de leader en Belgique. Depuis la fin du mois de mars, le CIM (Centre d’Information sur les Médias) publie l’audience des podcasts et de l’écoute en différé. “Dans l’étude Audio On Demand, le CIM publie désormais chaque mois le nombre de streams et de téléchargements, ajoutant ainsi une dimension supplémentaire aux mesures existantes du contenu audio”, peut-on lire sur le site. Des chiffres à découvrir ici.
Mais cette domination soulève aussi des interrogations. “J’ai collaboré à plusieurs projets avec eux, mais j’ai du mal à percevoir une ligne claire à long terme, observe Céline Duvivier. Ce sont encore des commandes ponctuelles, sans vision globale.” En effet, même si la RTBF laisse la porte ouverte aux propositions spontanées de la part des créateurices, il y a peu de chance pour qu’elles passent. La quasi totalité du budget podcast de la RTBF étant consacrée aux appels à projet portés par le média lui-même.
Le podcast comme outil marketing
Plusieurs workshops ont permis aux participant·es d’échanger sur les bonnes pratiques du podcast, notamment en matière de structure narrative, d’identité sonore ou de diffusion. Parmi les conseils phares : capter l’attention dans les deux premières minutes, soigner les titres et métadonnées, penser à la déclinaison sur les réseaux sociaux, et ne pas négliger le bouche-à-oreille.







“Le podcast, c’est un peu le YouTube d’avant, estime Alexandre Braeckman, cofondateur de CMG (Compile Media Group – agence de communication digitale qui a pour mission de faire rayonner les contenus des marques au travers des réseaux sociaux et de l’audio digital, donc du podcast). C’est maintenant qu’il faut se positionner intelligemment pour exister dans les algorithmes. Aujourd’hui, la culture du podcast est beaucoup plus développée en France qu’en Belgique francophone. C’est important pour les acteurices et celleux qui s’y intéressent de près ou de loin de se rendre compte qu’il y a quelque chose à faire, que le secteur est porteur.” Alexandre et son frère et associé Nicolas ont donné un workshop sur la façon dont le podcast peut être intégré dans une stratégie digitale gloale pour une marque. “L’idée était de déterminer à quoi pouvait servir le podcast, quels sont ses enjeux, ses objectifs potentiels. Les participant·es étaient souvent des porteur·euses de projets.” Comme le souligne David Ruydant, Project Manager au ProtoLab, de nombreuses marques utilisent le podcast comme outil pour fédérer leur communauté. C’est le cas notamment de Décathlon, côté Flandre.
Au-delà des conseils pratiques, plusieurs voix ont appelé à une reconnaissance plus forte du podcast comme secteur culturel et économique à part entière. “On est dans un angle mort, déplore Caroline Prévinaire, de la Voix dans ta tête. Aucun cadre légal, aucune régie, pas de présence dans les accords gouvernementaux. C’est urgent de se fédérer pour peser.”

Même constat pour l’autrice Pamela Morinière (Quelque chose à vous dire) : “Il faut que les pouvoirs publics prennent conscience de l’existence des podcasteurices. Aujourd’hui, les plateformes se servent gratuitement dans nos contenus. On doit pouvoir revendiquer des droits.” La podcasteuse souligne aussi l’absence de représentant·e de régie publicitaire lors de l’événement. “Je suis étonnée que les marques ne se réveillent pas davantage pour investir dans le podcast.”
Vers une fédération du podcast en Belgique ?
L’un des acquis majeurs de cette journée, selon ses organisateurices, tient à la dynamique enclenchée. “On a senti un besoin de rassembler, de se parler, de ne plus rester chacun·e dans son coin, souligne Charlotte Jeuniaux. Notre souhait est d’en faire un rendez-vous annuel, avec une dimension encore plus large.” “Une journée comme celle-ci est un début pour faire avancer le secteur. Un tout grand merci aux organisateurices”, conclut Céline Duvivier. Si ses possibilités semblent infinies, l’avenir du podcast reste encore à construire, et la volonté de se fédérer fait peut-être partie des pistes de solutions.




Lire nos précédents articles sur les ateliers de prototypage :
- Les ateliers de prototypage en Wallonie : spécialisation, conseils et communauté
- Les ateliers de prototypage : pour qui et comment ?
- Du Lab à la gastronomie, le parcours entrepreunarial audacieux de Louis Falisse
- Ateliers de prototypage en Wallonie : qui sont celles et ceux qui vous accompagnent ?
- Pupa, l’art de voir grand
- Florent Schirrer, du Minitel à l’art digital interactif
- L’e-Square, une concentration de synergies créatives et entrepreneuriales
- Belle & Chocolat, éveiller les sens et les consciences
- Elia et l’OpenHub : créativité, design thinking et innovation collaborative
Une histoire, des projets ou une idée à partager ?
Proposez votre contenu sur kingkong.
à découvrir aussi

Stereopsia, cœur européen des technologies de l’immersion

NUMIX LAB 2024 : créer du lien et construire l’avenir de la créativité numérique

wake! Tour, quand l’industrie créative digitale wallonne et bruxelloise rayonne
