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Les ateliers de prototypage en Wallonie : spécialisation, conseils et communauté

Auteurice de l’article :

Julie Mouvet
Journaliste

À ses heures perdues - pendant que d'autres perdent des journées devant Netflix - Julie, elle, lit, écrit des articles, enregistre des podcasts, monte des vidéos... Un condensé de discipline et de passion qui font d'elle l'ennemi jurée de tout procrastinateurice du dimanche ! Depuis quelques mois, elle a rencontré son binôme rêvé pour co-gérer le média kingkong.

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Saviez-vous qu’en Wallonie, il y a des ateliers de prototypage accessibles aux porteur·euses de projet, quel que soit leur secteur d’activité ? Qu’est-ce que c’est ? Comment ça marche ? Qu’est-ce qu’on y retrouve ? Tour d’horizon dans ce premier article d’une série consacrée à ces lieux qui attirent chaque année de nombreux esprits créatifs qui souhaitent concrétiser leurs idées.

First, un peu d’histoire. À l’origine de certains ateliers décrits dans ce dossier, il y avait le concept de “fablab”. L’inventeur des fablabs, c’est Neil Gershenfeld, professeur au MIT. Comme il l’explique dans son TED X en 2006, un fablab est “un laboratoire peu coûteux qui permet aux gens de fabriquer les objets dont iels ont besoin à l’aide d’outils numériques et analogiques. Une idée simple qui donne de bons résultats”. Physicien et informaticien, Neil Gershenfeld pense ce concept à la fin des années 90. Il se pose alors cette question : comment une communauté peut-elle être rendue plus créative et productive si elle a, au niveau local, accès à une technologie ? Par la suite, c’est lui qui crée la charte définissant les fablabs mondiaux. On y retrouve notamment les machines mises à disposition dans ces lieux. “À savoir une thermo-formeuse, une découpeuse vinyle, une imprimante 3D, une imprimante laser… À partir de là, chacun·e construit son fablab comme iel veut”, explique Pierre-Michel Gérard, ProtoLab Manager.

Mais au fond, que permet un fablab ? Cette question, on l’a posée à Chat GPT et encore une fois, on est positivement surpris·es par ses “connaissances.” “Un atelier de prototypage et de fabrication numérique, souvent abrégé en “fablab”, est un espace équipé de machines et d’outils permettant la fabrication d’objets physiques à partir de modèles numériques. Ces outils incluent généralement des imprimantes 3D, des découpeuses laser, des fraiseuses CNC, ainsi que des équipements de mesure et de test. Ces espaces sont souvent ouverts à un large public, des amateurices aux professionnel·les, et visent à encourager l’innovation, la collaboration et l’apprentissage par l’expérience. Les fablabs offrent un environnement où les individus peuvent concrétiser leurs idées en prototypes fonctionnels, expérimenter avec de nouvelles technologies et développer leurs compétences en conception et en fabrication. Ils sont souvent associés à des initiatives éducatives, des programmes de formation et des événements communautaires pour favoriser l’accès à la fabrication numérique.”

© Alexine Somville

En Wallonie, le premier fablab est le RElab de Liège, inauguré en 2013. Depuis, d’autres labs sont nés :

Comme vous le voyez, ces ateliers sont répartis sur l’ensemble du territoire wallon pour permettre à chaque porteur·euse de projet d’avoir accès, pas trop loin de chez elle/lui, à ces équipements et services. Ils sont “généralistes”, dans le sens où ils sont ouverts à tous les secteurs

Outre ces labs de proximité, la Wallonie compte aussi deux labs spécialisés, qui sont accessibles aux porteur·euses de projet de toute la Wallonie. Il y a d’une part le Smart Gastronomy Lab, situé à Gembloux et spécialisé dans l’alimentation au sens large du terme, et le Tex Lab à Liège, destiné au prototypage textile.

Un plus grand focus sur les projets entrepreneuriaux

Début 2024, les labs ont pris une nouvelle orientation. Après une première phase de développement calquée sur le concept original de “fablab”, ils ont adapté depuis le mois de janvier leur fonctionnement et leur offre de services pour répondre plus efficacement aux besoins spécifiques des entreprises et des porteur·euses de projets entrepreneuriaux. Par exemple, les labs peuvent aider à prototyper pour tester et faire évoluer un projet professionnel, à travailler à l’évolution d’un prototype ou à l’optimisation d’un produit existant, à lancer la production d’une première série, ou à fournir des éléments techniques permettant de lancer une production plus importante.

Pour refléter cette évolution, plusieurs labs ont donc changé de nom dans cette idée de professionnalisation. C’est le cas du lab de Tournai, anciennemment Fablab Wapi, devenu Tech Hall.

Les porteur·euses de projet et les entreprises qui font appel aux labs jouent un rôle dans leur mécanique de financement. Chaque accompagnement fait l’objet d’un livrable et ce sont ces livrables qui permettent aux labs d’être financés par l’Europe et la Wallonie.

Et les machines ?

On le disait plus haut, il y a un équipement de base dans chaque lab, notamment concernant l’impression 3D. Mais tous ont aussi leurs spécificités. Au Fab-C de Charleroi, on retrouvera par exemple une découpeuse graveuse laser, une imprimante 3D (et imprimante 3D – résine), un scanner 3D, une découpeuse vinyl, une thermo-formeuse, mais aussi, entre autres, quatre Shapers, comme le souligne Christophe Pequet, FabManager du Fab-C. “Ce sont des fraiseuses portatives. On a plusieurs machines, comme celles-ci, qu’on aimerait mettre en location. Elles sont très coûteuses à l’achat, mais intéressantes pour les gens.”

Le ProtoLab de Namur (qui a pris officiellement ce nom en 2022) a pour particularité d’à la fois être un lab et un MédiaLab. Un laboratoire média qui permet aux porteur·euses de projet et entreprises de prendre en main certains outils habituellement réservés aux professionnel·les de l’audiovisuel dans un espace de création dédié aux productions immersives, telles que le son, le son binaural, la réalité augmentée, virtuelle et mixte, le motion capture, le mapping interactif et l’interactivité. “La raison pour laquelle on a lancé le MédiaLab, c’est qu’on s’est rendu compte qu’il y avait un besoin énorme, mais que les gens ne maitrisent pas spécialement les outils, explique Marie du Chastel, directrice artistique du KIKK, dans l’aftermovie de la soirée de lancement du MédiaLab. Et que dans les écoles ou les systèmes de formation classiques, cela demande trop d’effort de se mettre à la pointe de ces outils technologiques qui évoluent tout le temps. Là, l’idée est de proposer un programme évolutif sur base de modules, où on va pouvoir analyser les besoins des gens du marché, que ce soit des entreprises, des artistes, des créateurices et répondre à leurs besoins avec des formations adaptées.

Côté spécialisation, on peut aussi citer Cap Innove qui, avec son incubateur ID2Move, est une référence dans le domaine des systèmes autonomes, avec un focus particulier sur les drones. “À côté du Makerspace qui permet de développer des pièces et de l’électronique, il faut pouvoir tester un drone. Nous avons donc un espace intérieur équipé de caméras pouvant nourrir les algorithmes, et un espace extérieur de plus de 600 hectares certifié pour pouvoir tester à grande échelle mais à base altitude (120 m) en situation réelle”, affirme Emilien Watelet, directeur ID2Move chez CAP Innove.

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Pour déterminer ses équipements, le TexLab a quant à lui sondé son public-cible. “On est vraiment parti·es des besoins pour décider d’acheter telle machine plutôt qu’une autre. Et on a engagée des personnes très spécialisées. Chaque atelier a sa/son spécialiste”, assure Clio Brzakala, directrice du TexLab. Pour l’atelier tissage, un métier à tisser jacquard d’échantillonnage TC2 est donc mis à disposition ou encore une brodeuse MELCO EMT 16 pour l’atelier broderie. Le TexLab propose aussi des ateliers confection, flex, maille et feutre.

Pourquoi pousser la porte d’un lab ?

Véritables lieux de création et d’émulation, les ateliers de prototypage et de fabrication numérique visent donc les porteur·euses de projet et les entreprises. Les raisons de s’y rendre sont multiples et la première est de recevoir des conseils et avis d’expert·es sur son projet. “Certaines idées ne sont parfois pas réalisables, confie Laura Lécot, project manager au Smart Gastronomy Lab. Il faut donc ramener la personne à la réalité, tout en essayant de se dépasser. Si un projet n’est pas faisable maintenant, rien ne dit qu’il ne le sera pas d’ici quelques mois.” Pour Cécile Delcourt, responsable administrative et financière du Click à Mons, un lab est aussi “un lieu convivial et facilement accessible”. “L’équipe d’accompagnement multidisciplinaire peut répondre rapidement aux demandes qui sont parfois très techniques et spécifiques. Et en plus d’un parc machine bien équipé, nous avons une bonne connaissance de l’écosystème de la région et nous sommes connecté·es avec toustes les partenaires afin d’accompagner au mieux nos porteur·euses de projet.” La convivialité, c’est aussi ce qui est important pour Régis Lomba, FabManager à l’Open Hub. “C’est un endroit où l’on se sent à l’aise pour avancer sur son projet, mais surtout où on n’a pas peur de faire des erreurs, d’admettre que l’on ne sait pas certaines choses et où on se sent libre d’essayer – dans une certaine limite évidemment.”

Concrètement, comment se passe un accompagnement-type ? Que se passe-t-il une fois que vous poussez la porte d’un lab ? Quels sont les services proposés par un atelier de prototypage et les personnes qui y travaillent ? Ce sera la thématique du prochain article qui paraîtra le 5 juin sur kingkong. En attendant, retenez bien ça : il faut prendre rendez-vous avant de vous rendre dans un lab – sinon, vous risquez de ne trouver personner pour vous accompagner correctement et avec la bienveillance caractéristique des FabManagers.

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