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Jean-François Rees, vers la recherche scientifique du futur

Auteurice de l’article :

Laetitia Theunis

Chimiste et océanographe de formation, Laetitia a troqué son tablier de chercheur contre une plume de journaliste par passion pour la vulgarisation scientifique. Elle a fait ses armes au Soir, avant de rejoindre le Vif et de devenir rédactrice en chef du Daily Science. Adepte de la randonnée et de la cuisine sauvage, elle aime s'immerger dans la nature et sortir des sentiers battus.

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Voilà plusieurs années que Jean-François Rees mêle arts, sciences et créativité dans son enseignement universitaire de la biologie animale. Ce mélange détonnant servira également d’ingrédient à sa prochaine recherche basée sur l’impression graphique de champignons et de bactéries.

Issu ni d’une famille d’artistes ni d’une famille de scientifiques, rien ne le prédestinait à mélanger les deux disciplines. Voilà pourtant plusieurs années qu’il s’allie avec des artistes pour parler de sciences autrement auprès du grand public. Lui, c’est Jean-François Rees. Professeur à l’UCLouvain, il enseigne la biologie animale, la créativité et la démarche scientifique.

Organes et non-vertébrés du futur

Avec l’artiste Isabelle Dumont, il a créé “Fossiles & fictions. Après nous les méduses ?”, l’expo qui s’est tenue au Musée L jusqu’à la mi-mai 2023. Son but ? Envisager les formes que pourrait prendre le Vivant dans les millions d’années à venir. Des étudiant·es en arts visuels de l’école ART² (Mons) y proposaient quelques surprenantes chimères, tandis que les étudiant·es en 1ère bac de biologie du Pr Rees y exposaient les planches révélant les organes du futur qu’iels avaient imaginés.

“La créativité est primordiale à mes yeux. C’est pourquoi je l’intègre dans tout mon enseignement, les travaux à réaliser, les évaluations. Et ce, dès la première année. Après leur avoir expliqué les différents systèmes du corps humain, je dis à mes étudiant·es  qu’on va aller un peu plus loin. Rendez vous compte que notre corps a été conçu il y a 200.000 ans. Il a peu évolué depuis, mais l’humain ayant complètement transformé son environnement, cela a créé de nouveaux besoins : je demande aux étudiant·es d’imaginer un nouvel organe qui permettrait de rencontrer l’un d’eux. Chaque année, 150 nouveaux organes me sont ainsi proposés ! Ces jeunes scientifiques en devenir apprécient de pouvoir se lâcher, de sortir des sentiers battus.”

“En 2e année de biologie et de bio-ingénieurie, je donne cours sur les non-vertébrés. Après avoir vu tous les embranchements dans l’évolution animale, je demande aux étudiant·es de créer un non-vertébré du futur appartenant à tel groupe (par exemple, un mollusque) et doté de caractéristiques souvent déjantées : il se déplace en roulant, utilise l’énergie hydraulique, une partie de son ADN vient d’une plante etc. Iels doivent décrire tous les systèmes, comme on le fait avec les organismes vivants actuels, réaliser des schémas, des coupes. Bref, montrer par une approche scientifique rigoureuse que leur animal tient la route. Iels produisent des choses formidables.”

Il y a quelques années, l’artiste Pierre-Yves Renkin a sculpté en 3D une dizaine de ces curieuses bestioles. Grandes de 80 cm à 1m, elles ont fait l’objet d’une exposition itinérante “Les animaux du futur”.

La culture scientifique

À l’université, Jean-François Rees a suivi un parcours classique de bon étudiant. A la fin de sa thèse en biologie, l’UCLouvain avait un souci de recrutement des étudiants en sciences. Il y en avait de moins en moins. “Je venais de réaliser une activité avec des jeunes qui, participant aux jeunesses scientifiques, avaient gagné ce concours européen. Suite à ce succès, le doyen de l’époque est venu me chercher pour que je mette en place quelque chose favorisant l’intérêt pour les sciences chez les jeunes. C’est ainsi qu’on a créé Science Infuse, devenu par après le Printemps des Sciences, le rendez-vous annuel des sciences et des technologies en Wallonie et à Bruxelles.” 

“J’adore communiquer la science. Selon moi, si la science n’est pas communiquée, cela ne sert pas à grand-chose de la faire.” Cette opinion lui a permis d’être reconnu au sein de l’université néo-louvaniste comme quelqu’un qui s’intéressait à la culture scientifique. “J’ai alors intégré le conseil de la culture. Et j’ai constaté avec surprise et dépit que, pour beaucoup, au contraire des arts, les sciences ne faisaient pas partie de la culture ! Et que cela faisait débat. Pour ma part, je défends depuis une vingtaine d’années que la science est une partie importante de la culture. En effet, la science, c’est une démarche qui est transmise de génération en génération, comme la langue, les idées, la philosophie, les arts.”

Jean-François Rees est ensuite devenu conseiller au recteur pour la culture à l’UCLouvain. “Si j’étais déjà intéressé par la musique, cela m’a amené à m’intéresser aux arts graphiques et plastiques. J’ai été immergé dans des cultures artistiques que je ne connaissais pas bien. On discutait d’arts, des arts dans la culture, on travaillait avec des artistes en résidence. Tout cela m’a fort séduit.”

Impression graphique de champignons © JF Rees
Impression graphique de champignons © JF Rees

Interpréter le graphisme en termes scientifiques

Influencé par ses rencontres artistiques, Jean-François Rees se lance lui-même, en septembre 2023, dans un projet artistico-scientifique. Il vient, en effet, d’obtenir une année sabbatique lui permettant de remettre sur le métier un projet de graphisme avec des micro-organismes qu’il avait débuté il y a quelques années. 

“Dans le cadre de mes enseignements, j’avais découvert que des gens avaient eu l’idée géniale de prendre une vieille imprimante HP, d’enlever l’encre de l’encrier, de la remplacer par une suspension de cellules et puis d’imprimer ces cellules. Iels réussissaient ainsi à créer des motifs particuliers. A l’époque, il y avait une collection incroyable de champignons à l’étage en dessous du mien, et je me suis dit qu’on pourrait faire un projet sensationnel dans l’idée de développer du graphisme. Ainsi, après avoir mis en suspension des spores de champignons dans l’encrier d’une simple imprimante 2D, ils sont imprimés sur du papier, lequel est ensuite placé dans des conditions de culture afin que le motif se développe. On s’est amusé, mais ça s’est mal terminé, car ma collaboratrice est décédée après quelques mois.”

Après avoir été mis quelques années en stand-by, le projet va donc reprendre vie. “Je voudrais co-imprimer différentes espèces de champignons, de bactéries, et voir si leurs relations écologiques (collaboration, coopération, parasitisme etc) peuvent se révéler via des formes graphiques particulières. Autrement dit, de peut-être faire émerger une méthode graphique très simple de qualification de la relation entre espèces vivantes.”

“Ce que j’aime dans les arts, c’est la liberté. Parfois, en sciences, je me sens un peu à l’étroit. Pourtant, j’adore les sciences. Mais c’est très gai d’avoir cette liberté, d’aller s’aventurer dans les chemins de traverse, de mettre de l’humour. J’aime bien le côté disruptif, créatif, trouver des voies inexplorées qui sont devant nous depuis longtemps, mais dans lesquelles personne ne s’est lancé. Et d’inventer un sujet.” Un autre projet du Pr Rees qui va prendre corps dans les prochains mois traite de l’impression 3D de tissus animaux. Et ce, dans le but de réduire l’utilisation d’animaux de laboratoire. 

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