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Skan Triki, de reporter à motion designer, éternel apprenti

Auteurice de l’article :

Marie-Flore Pirmez

Véritable vorace de podcasts et de documentaires, Marie-Flore croit fermement en un renouveau du journalisme écrit grâce aux multiples opportunités du web et des magazines longs formats. Lorsqu'elle enlève sa casquette de journaliste, vous risquez de la croiser en train de randonner ou dans un studio de yoga.

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Se pencher sur le parcours du Belgo-Tunisien Skan Triki est un peu comme fouiller dans une malle aux trésors. Fou de mythologie grecque, de cuisine libanaise, de l’univers Marvel, un peu moins du système scolaire. Journaliste de presse écrite dans une autre vie, cet autodidacte aguerri est aujourd’hui à la tête de son studio de motion design et donne vie à des effets visuels en tout genre pour France Télévision, l’OTAN, Dune ou encore la suite du film Black Panther. Rien que ça.

Avec un peu de recul, le lieu choisi pour notre rencontre n’est pas si anodin. En ce vendredi après-midi, nous attendons Skan à la Maison européenne des Auteurs et des Autrices. La MEDAA, pour les intimes. QG bruxellois de plusieurs sociétés de droits d’auteurice situé. On comprend d’ailleurs assez rapidement qu’une âme d’auteur se dissimule chez cet entrepreneur créatif. « Comment je suis tombé dans l’industrie visuelle ? Disons un peu comme un cheveu dans la soupe. Je n’ai pas les diplômes pour, mais ça n’a jamais menacé mon désir d’apprendre. » De son passage éclair au Conservatoire Royal de Musique de Bruxelles et à la Haute École ISFSC, Skan n’a jamais fait long feu sur les bancs de l’école. Mais bien avant l’image, c’est l’écriture et le journalisme qui animent le Bruxellois.

En toute décontraction, il retrace : « Quand j’y repense, c’est Homère qui m’a amené au journalisme. Je le lis depuis que je suis gosse. Dans le premier chapitre de L’Iliade, il est question d’une île. On raconte qu’Héphaïstos y aurait appris l’art de la forge. Je me suis toujours demandé si cette île existait. Et à 22 ans, j’ai enfin pris le temps de répondre à ma question. » L’ile de Lemnos existe bel et bien, à 100km des frontières turques. Lorsqu’il publie son premier reportage dans un magazine de voyage qui n’existe désormais plus, il ne sait pas encore que quelques mois plus tard, il exercera sa plume dans l’un des quotidiens de référence en Belgique francophone.

Un stage d’observation, quelques mentors, et voilà que Skan Triki devient journaliste au Soir. « Mon grand plaisir, c’était de bosser sur des papiers longs formats. » Il faut dire que le reporter ne se laisse pas inspirer par n’importe qui. Sur son smartphone, il nous passe en revue les articles qu’il garde toujours au chaud. « Lettres de province », considéré comme le premier reportage de presse publié en 1866 dans Le Figaro et écrit par Jules Vallès, l’ensemble des reportages de Joseph Kessel parus dans Le Matin, d’autres papiers de Françoise Giroux…

En parallèle de l’écrit, Skan Triki bascule presque imperceptiblement vers l’image. D’abord en s’immergeant dans les vidéos de la chaîne YouTube Kurzgesagt (qui signifie « en bref », en allemand). « Ces vidéos d’animation abordent un tas d’enjeux contemporains, toujours à travers un axe narratif percutant. J’étais fasciné par le format encore inédit à l’époque. Le graphisme, les animations, les voix… » Inspiré, à nouveau, par la fine équipe de youtubeurs autodidactes derrière ces vidéos, un autre concours de circonstances l’amène à produire une enquête infographique suite aux attentats de Bruxelles pour Le Nouvel Obs. « C’est peut-être cliché, mais je passais littéralement mes nuits à apprendre le motion design dans ma chambre. Et en matière de skills, je suis parti de peu. Je savais vite fait bidouiller sur Photoshop parce qu’un pote avait craqué le programme sur l’ordi de son père, but that’s it. »

Une fois que j’ai fait le tour, je ne peux jamais rester trop longtemps sur les mêmes projets. Apprendre est un besoin vital.

Le pied-dans-la-porte comme on dit. Skan Triki trouve un intérêt inépuisable à développer ses connaissances de motion designer. Il contribue à l’automatisation et au design de nombreux habillages vidéo pour des institutions et d’autres médias, nationaux, européens, voire quelquefois internationaux. La RTBF, l’OTAN, L’Echo, la RTS, France Télévisions… « J’ai réalisé que je préférais quand les faits sont racontés visuellement que par écrit. À mes yeux, ça a plus de potentialité d’impact chez le grand public. »

Il enfile consécutivement quelques casquettes de plus – impossible de vous faire une liste exhaustive – professeur de motion design dans une école de communication et de journalisme bruxelloise, manager multimédia de la première chaîne d’infos en continu belge LN24, jusqu’à créer son propre studio, Motion Sense. « Une fois que j’ai fait le tour, je ne peux jamais rester trop longtemps sur les mêmes projets. Apprendre est un besoin vital. »Lorsqu’il nous parle de ses dernières collaborations, on ne peut s’empêcher d’esquisser un sourire malin tant cette envie d’engranger de territoires de compétences transpire de tout son être. En quête de défis, Skan Triki s’oriente alors peu à peu vers une industrie qu’il ne connaît pas encore, celle des effets spéciaux. Et par la même occasion, le cinéma. Il entre en contact avec les studios Perception et Territory. Des agences de création basées aux States et reconnues internationalement, notamment pour leur travail d’effets spéciaux sur des longs-métrages de l’univers Marvel. Sur le portfolio de Skan, on croise ses créations pour « Black Panther: Wakanda Forever », « Ant-Man et la Guêpe: Quantumania ». « Par rapport au motion design, les effets spéciaux, c’est de l’orfèvrerie. »

Production, apprentissages et vie privée

Au jour le jour, le quotidien du Bruxellois se rythme entre la création et la production d’une part, un planning de formation discipliné de l’autre, et une vie privée sur laquelle il ne veut surtout pas rogner. S’il se montre reconnaissant envers les piliers sur lesquels il a pu s’appuyer pour évoluer sur sa vision sur l’entrepreneuriat, le besoin d’initiative, la notion d’échec aussi, Skan accueille désormais des stagiaires au sein de son studio de motion design. Stagiaires avec qui il essaie d’inverser la hiérarchie du tout sachant : « Quand je reçois un·e stagiaire, je ne veux pas qu’iel travaille pour moi mais pour ellui. Je leur demande toujours : que veux-tu faire, où veux-tu aller professionnellement ? De cette manière, j’espère être le prof que je n’ai jamais eu. »

En observant la rigueur de son reporting d’apprentissages – sorte de tableur Excel dans lequel il range et conserve ses avancées sur l’acquisition de nouvelles compétences, l’utilisation de nouveaux programmes ou plugins en tout genre – on lui demande ce qu’il aimerait y ajouter si ses journées dépassaient les 24 heures allouées à chaque mortel·le. « Le piano peut-être ? J’en ai fait toute mon enfance, avec des cours de solfège bien entendu. Quand j’y pense, mon apprentissage de la musique et du rythme, en plus de mon rapport à l’écriture, tout ça se retrouve dans le motion design. »

Skan a beau s’en être éloigné par les mots, il ne reste jamais très loin de l’univers médiatique et du journalisme. Et même si son agenda est plus que rempli, il l’avoue : « Parfois, la presse me manque. J’aimerais bien être le journaliste que j’ai toujours rêvé d’être, faire de l’enquête infographique et bosser pour Le Monde. Si j’ai l’opportunité de piger pour eux un jour, je ferai de la place, c’est certain. »

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