1
Article 5 minutes de lecture

Stellar Scape : et si on s’en allait décrocher la Lune ?

Auteurice de l’article :

Laetitia Theunis

Chimiste et océanographe de formation, Laetitia a troqué son tablier de chercheur contre une plume de journaliste par passion pour la vulgarisation scientifique. Elle a fait ses armes au Soir, avant de rejoindre le Vif et de devenir rédactrice en chef du Daily Science. Adepte de la randonnée et de la cuisine sauvage, elle aime s'immerger dans la nature et sortir des sentiers battus.

en savoir plus

De la poussière d’étoiles à l’Univers aux dimensions infinies, l’exposition Stellar Scape réunit une vingtaine d’artistes et d’entreprises autour des imaginaires de l’astronomie et du renouveau des aventures spatiales.

La Lune, la planète Mars, les étoiles et au-delà. C’est dans ces contrées célestes que vous emmène Stellar Scape, la nouvelle exposition du Pavillon, à Namur. Apprêtez-vous à vous émerveiller et à rêver en grand, tout en gardant les pieds sur Terre. Et surtout en affûtant votre esprit critique. 

© Antonin Weber

Un espace multidimensionnel

Allez, c’est parti pour un voyage intersidéral ! Sur les rebords de l’espace circulaire central de ce superbe bâtiment qui fut le pavillon belge de l’Exposition universelle de Milan, une alcôve est fermée par une lourde tenture noire. Dans cet espace intime, tendus du plafond au sol, des centaines d’élastiques blancs sont disposés en une sorte de grille géante aux barreaux verticaux sur lesquels est projetée l’image animée d’un paysage abstrait. 

« Dans cette installation Plane Scape, les visiteur⋅ses sont amené⋅es à se balader dans l’univers en trois dimensions qui apparaît sur le labyrinthe d’élastiques tendus. Iels deviennent acteurices de l’installation. Plonger le public au cœur de l’expo, c’est vraiment la patte du KIKK, ASBL promouvant les cultures numériques et créatives et chapeautant cette expo », explique Charlotte Benedetti, directrice du Pavillon.

« Quant à notre approche mêlant arts, sciences et créations numériques, elle est assez inédite. Le décloisonnement, c’est notre fer de lance. On essaye, autant que faire se peut, de mélanger les disciplines, les regards, les manières d’être dans l’expo. C’est intéressant d’avoir le point de vue des artistes sur le monde spatial et sa conquête. Mais aussi de comprendre ce profond désir d’innovation habitant des entreprises qui consacrent toute leur énergie pendant parfois cinq ans au développement de leur projet. » De quoi s’ouvrir l’esprit.

Le Stellar Lab, vitrine des talents scientifiques

Si jadis lancer un satellite ou aller sur la Lune était une affaire d’Etats, depuis quelques années, ces derniers ont laissé la place à des acteurices du privé : c’est le New Space. C’est dans celui-ci que s’inscrit l’américain SpaceX, mais aussi des entreprises belges et européennes. Au sein du Stellar Lab, un espace dédié à la recherche et à l’innovation, leurs réalisations et leurs projets ambitieux sont mis en maquette. 

Un satellite artificiel de petite taille muni de deux panneaux solaires trône sur un socle. « Aerospace Lab, c’est le fleuron belge qui défie l’hégémonie américaine dans le New Space. Et ce, en réduisant les coûts de conception, de production, de mise en orbite via le plus petit nombre de sous-traitant⋅es possibles », commente Charlotte Benedetti. D’ici 2025, de cette entreprise basée à Mont-Saint-Guibert, en Belgique, sortiront pas moins de 500 petits satellites, principalement pour la télécommunication, à envoyer en orbite terrestre basse. Soit jusqu’à 2000 kilomètres au-dessus de nos têtes.

Soupe de débris spatiaux

Qui dit satellites, dit débris spatiaux. En effet, depuis l’envoi de Spoutnik, le premier satellite artificiel mis en orbite le 4 octobre 1957, de nombreux autres engins se sont retrouvés à tourner autour de la Terre. Certains ne sont plus utilisés, d’autres se sont désagrégés en une multitude de morceaux. De par leur très grand nombre, leur très grande vitesse  – de l’ordre de 8 km/s, soit 28.800 km/h, en orbite basse – et le risque de collision, ils forment une soupe de déchets dangereuse, notamment pour les satellites en activité. 

Surveiller ces débris spatiaux et prédire leur trajectoire à l’aide de télescopes, c’est le cœur du projet de l’entreprise française Aldoria. Son activité permet de désorbiter les satellites encore dotés de carburant (donc de les faire un peu monter ou descendre sur leur trajectoire) pour éviter les collisions, et ainsi la production de déchets spatiaux supplémentaires. Elle est mise en avant par des photos interpellantes du ciel balafré par les débris en mouvement. 

Cette thématique des débris spatiaux est également abordée sous l’angle artistique par l’installation, tout en délicatesse et onirisme, d’Alessia Sanna & Alexandre Weisse. Quel plaisir de contempler cette œuvre aboutie, dénommée Leave Space, dont on avait vu les prémisses lors de la résidence artistique Art & Sciences lancée par le KIKK en 2023. Elle est composée de pas moins de 33.251 cubes de résine, tissés à la main, disposés autour d’une sphère, mettant en scène les satellites en orbite utilisés ou inactifs.

© Antonin Weber

Aller décrocher la Lune

Bien au-delà des satellites artificiels, à quelque 384.400 kilomètres, orbite l’unique satellite naturel de la Terre : la Lune. Le retour annoncé de l’humain⋅e sur cette boule blanche qui éclaire nos nuits en fait rêver plus d’un⋅e. Le programme Artémis, initié par la Nasa, prévoit d’y envoyer des astronautes à la fin 2026. Il vise rien de moins que d’y établir à terme une présence humaine durable. Et ce, afin de préparer le voyage d’un premier équipage vers Mars. 

Des entreprises se retroussent les manches et activent leurs méninges en vue de prendre part à cette mission d’envergure. Ainsi, au sein du Stellar Lab, les Belges de Space Application Service exposent un prototype de rover (engin roulant) pour explorer le pôle Sud de la Lune, futur lieu d’alunissage du programme Artemis. On y voit aussi des maquettes d’habitats lunaires gonflables et autonomes pour le recyclage de l’eau et la production d’oxygène issues des projets français Spartan Space et autrichien Liquifer. Mais au fait, la poussière qui recouvre la surface de Lune, quelle odeur a-t-elle une fois placée dans une atmosphère oxygénée ? A cette question, le duo belge Unfold a voulu apporter réponse. Inspirés par la composition et les couleurs de la poussière lumière décrites dans les archives de la NASA, les deux artistes ont créé une nouvelle matière première : celle-ci forme les reliefs du grand disque lunaire de l’installation Sea of Tranquility, en référence au nom du lieu où les premiers hommes ont aluni. Alors que sont diffusées les conversations originales du programme Apollo sur l’odeur de la poussière lunaire, un dispositif olfactif vient titiller les narines des visiteur⋅ses.

© Julie Peustjens / minuit studio

La conquête, un truc has been ?

L’exposition Stellar Scape nous interpelle aussi sur la notion de conquête spatiale. « La mise en orbite de satellites, les futures missions sur la Lune, l’idée d’envoyer des humain⋅es sur Mars … tous ces projets actuels n’ont rien de neuf. Ils sont une répétition des conquêtes spatiales du passé. Et d’un comportement très humain d’aller dominer, prendre possession, conquérir », analyse Charlotte Benedetti.

Déjà au 17e siècle, dans son ouvrage ”The Man in the Moon”, un certain Francis Godwin, auteur britannique, avait l’idée d’un voyage sur la Lune initié par des oies. Ces volatiles tiraient un char ailé emmenant sur notre satellite naturel des humain⋅es devant fuir la Terre. Se basant de la manière la plus fidèle possible sur ce livre, l’artiste allemande Agnès Meyer Brandis s’est mise à élever des oies et à les entraîner pour aller sur la Lune. Leur nom ? Neil Armstrong, Buzz Aldrin … En exposant comme de précieuses reliques les coquilles d’oeuf ayant abrité les embryons des oies lunaires, elle tourne davantage encore en dérision le culte héroïque porté aux premiers hommes à avoir mis le pied sur la Lune. « Au delà du côté hyper drôle de la démarche, l’installation multimédia Moon Goose Colony raconte le lien entre art et science. Et fait émerger la question de la légitimité de l’accès à l’espace et de qui a le droit d’en parler sérieusement », précise la Directrice du Pavillon.

Un Capitaine pour émerveiller les enfants

Si l’une des missions du Pavillon est de faire rêver et d’interroger les grand⋅es, les petit⋅es ne sont pas en reste. « Ici, nous pénétrons dans un espace qui s’appelle Capitaine Futur et le Pays de la Nuit », explique Charlotte Benedetti en empruntant le large escalier en colimaçon qui mène au sous-sol.« Il s’agit d’un personnage imaginaire créé par Jos Auzende, ancienne directrice artistique de la Gaîté Lyrique, à Paris. Elle a travaillé avec Marie du Chastel pour la curation de cette expo. Capitaine Futur emmène les enfants tendre la main vers les étoiles et les planètes inconnues à travers une série d’installations contemplatives et interactives. » De quoi voir briller leurs regards.

© Antonin Weber
Appel à projet

Une histoire, des projets ou une idée à partager ?

Proposez votre contenu sur kingkong.

Partager cet article sur

à découvrir aussi