Le Namur Legal Lab, pour les start-ups du numérique
Auteurice de l’article :
Dans le cadre de leur Master de Spécialisation en Droit du numérique à l’UNamur, des étudiant⸱es proposent à de petites start-ups un accompagnement juridique de qualité et gratuit.
Les difficultés et obstacles juridiques que doit affronter un projet entrepreneurial constituent un des principaux facteurs d’échec rencontrés par les start-ups du secteur du numérique et des nouvelles technologies. Face à ce constat, pour les étudiant⸱es du master de spécialisation en droit, axé sur le droit du numérique à l’UNamur, c’est le baptême du feu. Iels apprennent leur futur métier en prodiguant gratuitement des conseils à quelques start-ups débutantes qui ne pourraient pas se payer un service juridique. “C’est la première fois qu’iels sont confronté⸱es aux besoins réels d’une vraie entreprise, au marché. Le Namur Legal Lab, c’est une espèce de sas de transition entre les études et la future activité professionnelle, un tremplin vers la vie active”, précise Camille Bourguignon, coordinatrice de ce projet pédagogique particulier.
L’idée initiale de concevoir une telle clinique du droit vient des Etats-Unis, avant d’être reprise au niveau européen et adoptée, notamment, par l’Université de Namur. Les premiers essais ont eu lieu dès 2015. A l’époque, l’aventure n’a concerné qu’une poignée d’ étudiant⸱es qui s’étaient porté⸱es volontaires pour accompagner quatre start-ups. “Face à son succès, ce projet pédagogique est devenu obligatoire dans le cursus dès 2018. Cela a permis à davantage de start-ups de bénéficier de conseils juridiques. Et d’atteindre un beau vivier d’un total de 80 de ces entreprises naissantes sises en Wallonie.”
Ces petites entreprises qui ont un besoin juridique en droit du numérique, Camille Bourguignon et ses collègues vont les chercher dans les incubateurs bien connus sur la place numérique. À Namur, une étroite collaboration s’est créée avec le BEP (Bureau économique de la province de Namur). Et donc avec le TRAKK, hub créatif dédié aux industries culturelles et créatives, et au numérique, auquel il est intimement lié. “Les start-ups suivies par le BEP sont déjà matures avec des projets mûrs. À nos yeux, cela est important pour éviter qu’une start-up ne s’effondre au cours du Namur Legal Lab.”
Rentrer dans le scope de compétences
Concrètement, les start-ups intéressées par le concept doivent poser leur candidature via un formulaire. Elles y décrivent succinctement leur projet. Et sont sélectionnées par rapport aux questions que ce dernier pose en droit du numérique.
“Est-ce qu’il y a des interrogations critiques concernant la protection des données à caractère personnel voire médical ? Si oui, on saute dessus et on y va. En effet, c’est typiquement le genre de question qu’il faut se poser au début du projet et certainement pas en plein milieu. Des projets qui visent la construction d’un site d’e-commerce ou d’une app mobile sont également intéressants : ils suscitent des demandes en droit d’information du consommateur. Certaines start-ups envisagent de déposer une marque : nos étudiant⸱es sont aussi compétents pour les accompagner.”
Les questions de gestion des droits d’auteurice, de propriété intellectuelle, de télécommunication, de concurrence, de partage de données autres que personnelles, ou encore de droit des plateformes en ligne trouvent également un écho particulier au sein du Namur Legal Lab.
Deux mois d’accompagnement juridique
Si les étudiant⸱es, regroupé·es par trois, sont libres d’organiser la manière de procéder avec leur start-up, le Namur Legal Lab pose les fondations pour permettre les premiers dialogues. Chaque année, avec le TRAKK et le BEP, il organise la réunion de lancement, le kick-off dans le langage des start-ups, au début octobre. “On invite les start-ups sélectionnées à venir au TRAKK pour pitcher leur projet devant les autres start-ups sélectionnées et les groupes d’étudiant⸱es. En marge des présentations, iels rencontrent pour la première fois leur start-up, et posent les questions leur permettant de comprendre le projet de celle-ci et d’identifier les questions juridiques qu’iels traiteront par la suite”, explique Camille Bourguignon.
“À la mi-décembre, on organise une autre réunion durant laquelle les étudiant⸱es présentent à leur start-up de manière orale, avec un support Powerpoint, leurs recommandations par rapport aux questions qu’iels ont traitées. Voilà les problématiques de votre projet, voilà le droit qui s’applique, voilà comment on l’applique à votre projet. Et voilà le plan d’action à mettre en œuvre.”
Les étudiant⸱es apportent des recommandations concrètes, mais sans livrer une proposition de contrat ou de registre, par exemple. “Autrement dit, iels prémâchent de ce que la start-up va devoir faire par la suite. L’idée n’est donc pas d’empiéter sur la plate-bande des avocats”, précise Camille Bourguignon, anciennement avocate et désormais Maître de conférences et assistante au sein du Master DTIC de l’UNamur.
Une riche première expérience
Qu’en retirent les étudiant⸱es ? “C’est la première fois de leur vie qu’iels sont confronté⸱es à des gens qui ont de vrais besoins juridiques en droit du numérique. Jusqu’alors, iels n’ont jamais résolu que des casus théoriques. Cette expérience leur apporte aussi un stress : leurs recommandations doivent impérativement être correctes. Elles doivent être juridiquement vérifiées dans tous les sens afin de ne pas fournir une réponse fausse à la start-up, car cela pourrait être dangereux pour celle-ci.”
Les étudiant⸱es doivent aussi momentanément oublier leur jargon. Il s’agit d’employer un langage adapté aux gens auxquels iels s’adressent. D’éviter à tout prix de présenter des concepts juridiques avec des mots incompréhensibles pour les non-juristes. “Iels découvrent ainsi la difficulté de se faire comprendre. Il leur faut trouver l’équilibre entre rigueur juridique et langage qui leur permet d’apporter l’information de manière rigoureuse mais sans que ce soit abscons.”
Aide aux Linkubé·es
Un autre projet juridique est mis en place par le Namur Legal Lab et le BEP dans le cadre du Linkube, un incubateur pour étudiant⸱es-entrepreneur⸱ses. Il s’agit pour les étudiant⸱es du master de spécialisation en droit du numérique de conseiller ces toutes jeunes pousses entrepreneuriales.
Cette fois, cela prend la forme d’un séminaire, qu’iels conçoivent sur base volontaire. Lors de sa tenue, en décembre, les porteur⸱ses de projets du Linkube ayant des questions en droit du numérique sont invité⸱es à poser leurs questions oralement. Les étudiant⸱es en droit doivent y répondre du tac-o-tac.
Les questions qui fusent durant le séminaire sont très pratico-pratiques. Par exemple, ce jeune qui, pour faire sa pub, a envoyé des emails à tout-va et se demande s’il a le droit de le faire. Outre les questions sur l’e-commerce, le RGPD et la propriété intellectuelle, nombreuses concernent la publicité sur les réseaux et le marketing d’influence. “En plus d’être utile aux entrepreneur⸱ses, le concept est formateur et très apprécié de nos étudiant⸱es”, conclut Camille Bourguignon.
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