Voix De Femmes, la culture accessible à toustes
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Le Festival Voix De Femmes, c’est la biennale qui fait la part belle aux arts et aux cultures sous un prisme féministe et inclusif. Dès demain, le festival reviendra sur le devant de la scène liégeoise avec “Esprit de Suite”, une seizième édition centrée sur l’héritage et la transmission.
Un festival pluridisciplinaire
Fondé en 1991, le Festival Voix De Femmes a eu de multiples visages : essentiellement axé sur la musique traditionnelle et le théâtre, cet événement s’est, au fil du temps, transformé en un rendez-vous culturel global, regroupant une dizaine de disciplines. “Quand on a repris le projet, on a vraiment voulu faire le lien entre des pratiques artistiques et des thématiques de société, notamment les questions de genre, les questions d’inclusivité et d’accessibilité. Maintenant, c’est à géométrie variable : les arts de la scène sont toujours représentés mais en fonction de ce qu’on travaille, il y peut y avoir des créations sonores, des arts plastiques, du cinéma, de la danse, ou encore du stand-up”, explique Flo Vandenberghe, co-directrice de Voix De Femmes. Visant à promouvoir les pratiques et savoirs portés par des artistes femmes mais aussi les personnes issues de minorités de genre, Voix De Femmes met également un point d’honneur à décentraliser la culture. C’est pourquoi, cette année, le festival se déroule essentiellement à Liège. “À Bruxelles, il y a plein de projets qui travaillent cette matière-là et qui le font super bien, alors qu’à Liège, on est les seules à traiter cette articulation entre questions de genre et pratiques artistiques”, souligne Flo.
“Esprit de Suite”, entre héritage et transmission
Il y a deux ans, le Festival Voix De Femmes fêtait son anniversaire avec l’édition “Dis/continuer”, abordant les questions d’héritage et de transmission. Pour continuer sur sa lancée — et parce que les choses ne sont jamais vraiment terminées — l’équipe revient avec “Esprit de Suite”, une édition de 18 jours durant laquelle la préservation, la transmission, les histoires et les silences referont surface.
Cette année, le festival met en lumière les récits trop peu écoutés : au programme, on retrouve une vingtaine de lectures, rencontres, créations, spectacles et ateliers qui donnent la parole aux personnes concernées. Tandis que les festivités commencent en grande pompe avec un focus sur l’artiste finlandaise Tove Jansson, les musiques traditionnelles seront mises à l’honneur quelques jours plus tard, pour notre plus grand plaisir. Le 7 octobre au KulturA, le public aura l’occasion de discuter avec Radio Campus et le collectif La Crue des ponts entre musiques traditionnelles et perspectives contemporaines, pour ensuite profiter d’une belle soirée de chants et percussions menés par La Crapaude et La Mòssa. “La Crapaude, c’est plutôt du côté wallon et La Mòssa, c’est plein de répertoires du sud de l’Italie, des réinterprétations de chants suédois, etc. Pour les personnes qui sont très ancrées dans les musiques actuelles, c’est intéressant de pouvoir écouter ce qui se passe autour. Ce genre de musique existe, et a toujours son importance,” explique Caroline Bertolini, chargée de communication auprès de Voix De Femmes. Un atelier participatif d’écriture et de réécriture de chansons traditionnelles aura lieu le lendemain, au CC Kali.
“Esprit de Suite” accueillera également l’artiste Laïla Amezian pour une grande journée Chaabi le 14 octobre. “Laïla propose aux femmes, qu’elles soient arabophones ou pas, de se réapproprier ce répertoire et d’apprendre les chants”, ajoute Caroline. “Le projet Chaabi, c’est un répertoire qui est hyper vivant dans la communauté marocaine. Il est beaucoup porté par les femmes de la diaspora locale qui le pratiquent dans des cadres qui ne sont pas publics, mais dans toute la vie communautaire”, souligne Flo. Rappelant le caractère ancré des musiques traditionnelles, elle ajoute : “Ce sont des choses qui existent. Le projet de Laïla, c’est justement donner à voir tout ce travail de transmission, de pratique et d’expertise artistique, que ces femmes ont ici et qui a été complètement invisibilisé”.
Une programmation inclusive
Voix De Femmes, ce sont aussi des échanges, des rencontres et des dialogues avec des publics variés, moins privilégiés, et souvent peu inclus dans le secteur culturel. Cette année, l’équipe du festival s’est notamment associée à plusieurs organismes visant à promouvoir l’inclusion des personnes sourdes et malentendantes : plusieurs événements seront accessibles en Langue des Signes de Belgique Francophone (LSFB), dont une présentation du travail de l’artiste finlandaise Tove Jansson, ou encore une lecture d’un conte des Moomins pour les enfants de 4 à 7 ans par le collectif SIGRA.
Une programmation inclusive, donc, qui ne vient pas de nulle part : “Il y a quand même un lien assez direct entre les profils de gens qui programment et les profils de gens qui fréquentent les événements. C’est pour cette raison qu’on n’arrête pas de dire qu’il faut des femmes, des minorités de genre et des personnes racisées dans les organismes décisionnaires”, déclare Flo. Une démarche essentielle qui a rapidement été adoptée au sein de Voix De Femmes : au-delà de son caractère intergénérationnel, l’équipe du festival fait souvent appel à des personnes issues de milieux et communautés différentes. “Pour les programmations et les axes de travail, on travaille avec une collective qui rassemble en général une dizaine de personnes qui sont des anciennes praticiennes du projet : des anciennes animatrices, des anciennes salariées, des anciennes stagiaires, etc. Ces personnes-là ont aussi des profils hyper variables et des ancrages très différents”, ajoute Flo. Cette inclusivité passe également par des cartes blanches, permettant aux personnes qui ne sont pas représentées dans l’équipe de développer leurs projets. “C’est ce qu’on a fait avec Bledarte et Who’s That Girl, l’Atout Comedy Club ou encore Laïla Amezian”, explique-t-elle.
Toujours dans une optique d’inclusivité, l’équipe de Voix De Femmes a mis en place le Roudoudou Social Club, un service de garderie accessible à toustes, disponible sur le site du festival. “À différents moments du festival, il y aura des espaces calmes avec des animatrices professionnelles pour accueillir les enfants de 0 à 14 ans avec plein de matériel, de quoi faire la sieste, changer son bébé, allaiter, etc. Les enfants pourront être pris en charge sans qu’il faille s’inscrire au préalable”, ajoute Flo. Une initiative innovante qu’on ne peut que féliciter : très peu abordées dans le secteur culturel, les questions de parentalité sont cruciales, et demandent qu’on s’y attèle.
Des activités accessibles à bas prix et à prix libres
Ce n’est pas un scoop : la culture coûte cher, et n’est malheureusement pas accessible à toustes. Pour tenter de pallier ces inégalités, de plus en plus d’organismes culturels proposent des événements à bas prix ou parfois même à prix libres. Une démarche que l’équipe de Voix De Femmes a très rapidement adoptée : “On sait que certaines sont, de par leur situation, souvent plus précarisées (…) L’idée, c’est de pouvoir inclure, dans la conversation, les personnes qui sont directement concernées et qu’elles puissent participer à des activités qui les représentent ou qui sont liées à leurs vécus. Toutes ces activités-là sont généralement aux tarifs les plus bas”, explique Flo. Entre autres, la pièce “La Fracture” de Yasmine Yahiatene sera accessible à un prix au choix (5€/10€/15€). Une indication claire des prix de chaque événement se trouve sur le site du festival, ainsi que sur le programme papier.
“Esprit de Suite”, un peu partout dans Liège du 4 au 21 octobre. On s’y voit ?
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