IA générative, réalité augmentée et female empowerment au programme de SXSW
Auteurice de l’article :
Du 7 au 12 mars, kingkong était à SXSW, à Austin, au Texas. Un festival de musique, cinéma et technologie émergente considéré comme le plus grand rendez-vous digital, d’innovation et de créativité au monde. Sur place, on avait une délégation wallonne à suivre… mais on n’a pas résisté à toutes les conférences, panels et enregistrements de podcast auxquels on pouvait assister. Tour d’horizon.
7 mars, arrivée sur place. Un peu fatiguée par les deux vols et le petit stress ESTA à l’aéroport de Chicago, on décide de se poser à l’hôtel pour préparer le programme du lendemain. Le 8 mars, la journée commence par un petit-déjeuner belge, où on retrouve la plupart des membres de la délégation wallonne. Il est rapidement temps de se rendre au Convention Center, là où se passe la programmation IN du festival, pour récupérer son pass. Grâce à WBI et l’AWEX – on les en remercie, kingkong a un badge Interactive, le graal pour les curieux·ses que nous sommes puisque cela nous permettra d’assister à un max de conférences. La première que l’on va voir s’intitule “Teens, Screen and Wellbeing : Youth in the Digital Age”. Le constat est clair : la connexion sociale est essentielle à notre survie, au même titre que l’eau. Et pourtant, aujourd’hui, malgré notre sur-connexion, les gens n’ont jamais été aussi isolés. Un quart des adolescent·es se sent seul·e et subit de plus en plus le KOMO (Knowledge of Missing Out), le fait de savoir qu’on n’a pas été invité·e à quelque chose. Le challenge, c’est l’intégration. Et le paradoxe est que les app qui ont créé cet isolement travaillent aujourd’hui à le diminuer. Le serpent qui se mord la queue, en somme.
Ne dites pas Journée de la Femme
Juste après, une Keynote qui a tout son sens en cette Journée internationale des Droits des Femmes – et pas Journée de la Femme ou Fête de la Femme, ce qu’on a encore entendu… – “Breaking barriers, shaping narratives: how women lead on and off the screen”. Le panel d’oratrices est impressionnant : Meghan Markle, The Duchess of Sussex, Katie Couric, Errin Haines, Brooke Shields et Nancy Wang Yuen. En matière d’empowerment, on ne pouvait pas rêver mieux. Lors de cette Keynote, on parle diversité, représentation, âge, harcèlement sur les réseaux sociaux… avec ce message : si vous lisez quelque chose de négatif sur une femme, pourquoi le partagez-vous ? Even if it’s making dollars, it doesn’t make sense. Cette table ronde est plus qu’inspirante. On ressort de là en se sentant puissantes et en ayant la confirmation que “chaque grand mouvement a commencé dans une petite pièce avec un petit groupe de personnes”.
Ces panels 100% féminins et empowering font partie des coups de coeur d’Alexandra Gérard, managing director de Stereopsia. “De façon générale, j’ai ressenti une énergie super positive. Je suis ravie de cette première expérience. Mais aussi frustrée et big FOMO (Fear Of Missing Out) car il y a tellement de choses à voir en même temps. J’espère pouvoir revenir l’année prochaine.”
Après ces conférences, la délégation belge se retrouve sur un rooftop pour un moment de networking avec des participant·es de partout dans le monde. Au programme, bières belges, présentation des événements wallons, comme le KIKK Festival et Stereopsia, barbecue texan et live band.
Le 9 mars, retour au Convention Center. Les conférences autour DU sujet du moment commencent : l’intelligence artificielle générative. Phil Wiser, executive vice president & chief technology officer de Paramount Global, nous parle des challenges et opportunités auxquels l’industrie des médias fait face. Son message ? L’IA va avoir un impact sur toutes les étapes du processus, en pré-prod, prod, post-prod et streaming. Selon lui, Gen AI (IA générative) est un·e assistant·e créatif·ve, qui permet de rendre une timeline moins linéaire et donc plus rapide. Il y a pour l’instant un·e humain·e pour permettre le produit final et il espère que cela reste comme tel.
Damien Van Achter, consultant indépendant dans le domaine des médias, de l’éducation et de l’entreprenariat, a suivi cette conférence avec beaucoup d’intérêt. Il tient à relever un point important par la suite : la nécessité pour les producteurices de contenu de pouvoir certifier que ces contenus leur appartiennent. “Avec la vague de l’IA générative qui arrive, la distinction entre ce qui a été généré par l’humain·e et ce qui l’a été par des machines est difficile. On utilisait déjà beaucoup d’IA par le passé. Mais les modèles économiques des médias sont cassés et il faut les réinventer, alors autant le faire avec les outils d’aujourd’hui. Les droits d’auteurice, les droits voisins tendent à évoluer, mais je n’ai pas l’impression qu’on va s’en sortir sans une innovation radicale par rapport à ça.”
L’intelligence artificielle, c’est aussi LA tendance de SXSW en 2024 d’après Héloïse Devaux, business development director de La Grand Poste. “Et je trouve que ça correspond très fort à ce qu’on fait à La Grand Poste. On a tendance à se dire qu’on en a déjà assez parlé mais non. C’est un sujet qui a tellement de facettes, d’angles d’approche différents. Un sujet central qu’on doit encore explorer. Et quand on le met à l’honneur chez nous, ces conférences affichent toujours complet.”
The best of the both worlds
Dans un autre panel, trois artistes l’expliquent : il faut considérer cette IA comme une option supplémentaire. Tanne Gehm, Pratik Suketu Shah et Adriana Vecchioli sont unanimes, il est important de prendre “the best of the both worlds” et de voir l’IA et la XR comme des outils en plus dans le processus créatif. D’ailleurs, ce n’est pas récent. Iels citent en exemple des films des années 90, comme Roger Rabbit ou The Mask, qui mélangeaient déjà de vraies images avec de la VR. Leur conseil aux artistes ? Jouez avec ces outils, expérimentez et puis décidez si oui ou non, vous les intégrez dans votre process. Et puis, comme iels le soulignent, si ces outils se développent bien, ils seront bien plus éthiques que de mettre en scène humain·es ou animaux qui risqueraient d’être blessé·es sur le tournage.
“L’IA couplée avec la XR va faire quelque chose d’assez incroyable”, se réjouit Salvatore Bordonaro, Immersive Designer et chef de projet au MiiL, en sortant de ce panel. “Les conférences auxquelles j’ai assistées m’ont fait prendre conscience qu’on était sur un changement beaucoup plus important que je ne l’avais imaginé, confirme Pierre Collin, executive manager de TWIST. On n’est pas sur une vaguelette “Brice de Nice“, mais sur un tsunami. En tant que Wallon convaincu, je suis toujours très triste de voir qu’on a si peu de contenus audiovisuels et multimédias proposés aux Wallon·nes et au monde. J’ai maintenant conscience que ce moment de disette est terminé et qu’on va enfin pouvoir exister sur la planète contenus.”
Santé mentale et bien-être
Jour 3, on déjeune avec la délégation française. On y fait notamment la rencontre d’Adrien Bisset, CEO et Cofounder de DANC.R. Un app qui accélère l’entraînement des danseur·euses en mesurant leur progression. Peu de temps après, retour au Convention Center pour l’enregistrement du podcast de Mayim Bialik – vous savez, Amy Farrah Fowler dans The Big Bang Theory ? Actrice et neuroscientifique, elle co-host Mayim Bialik’s Breakdown, un podcast sur la santé mentale, avec Jonathan Cohen. Durant une heure, iels parlent du pouvoir de la pensée positive, de résilience, d’états altérés de conscience ou encore du fait que nous faisons toustes partie de quelque chose plus grand que nous.
Pour écouter cet enregistrement très intéressant, c’est par ici.
Ce lien entre la tech, l’art et le bien-être ressenti à SXSW, c’est le coup de cœur de Gwenaelle Gruselle, international business developer chez Dirty Monitor. “Dans la programmation, il y a évidemment des sujets très tendance, comme la non binarité, l’inclusion… et j’étais vraiment touchée par le fait qu’une vraie dimension de bien-être soit intégrée. Ce que j’adore aussi dans ce programme, c’est le décloisonnement entre les différentes disciplines, parce que toutes sont importantes à mes yeux et c’est cool de pouvoir aller plus en détails.” “Dans les vraies tendances de cette année, il y a la réflexivité, renchérit Sébastien Nahon, directeur du MIIL. On sent une prise de recul par rapport à la perception du monde. Comme si on arrivait à un point de bascule où on se dit : on ne va pas faire les mêmes conneries qu’on a faites au lancement du web. Je ressens une prise de recul, comme si la tech avait pris une maturité sociale.”
Damien Van Achter, lui, s’inquiète d’un sujet trop peu abordé mais tout de même latent : le brain computing (à savoir le fait de contrôler des appareils externes via le système cérébral). “Pour l’instant, notre téléphone ou notre ordinateur est notre computer assisted brain. Mais demain, Neuralink va entrer dans notre cerveau. Que ce soit pour des prétextes de santé ou d’optimisation du sommeil, on sait que l’humain augmenté est un des rêves de sciences fiction qui ont nourri certaines entreprises et cela devient aujourd’hui une réalité. Je pense qu’on va vraiment assister à une forme de polarisation et de dichotomie extrême entre celleux qui pourront se le payer et les autres. Avec ma casquette d’observateur critique, je me dis qu’il est temps que les politicien·nes s’en emparent et comprennent les enjeux derrière pour pouvoir correctement encadrer cela.” Autant de sujets discutés lors de la Belgian Happy Hour, à La Mort Subite – c’est ça aussi SXSW, parler de sujets sérieux et intéressants autour d’une bière belge.
Inclusion et diversité
Lors du jour 4, on prend encore un peu de female empowerment avec un panel sur la façon dont les femmes entrepreneuses peuvent dominer le monde des start up de demain. Quatre femmes plus badass les unes que les autres délivrent leurs conseils : croire en son intuition, se faire confiance, ne laisser personne nous dire ce qu’on doit faire, oser prendre sa place dans un monde du business dominé par les hommes.
Comme le disait Gwenaelle Gruselle ci-dessus, de nombreuses thématiques très actuelles sont abordées lors du IN du festival. Et ça, on ne s’y attendait pas. Féminisme, inclusion, diversité, transidentité, non-binarité, alternatives alimentaires… autant de sujets qu’on adore chez kingkong. Mais il n’y a pas qu’à nous que ça plait. Le coup de cœur de Damien Van Achter, c’est un panel sur… le marketing déployé autour des boissons sans alcool. “C’est fascinant parce qu’on parle d’inclusion. Cela fait une petite année que je m’amuse à tester des trucs. En général, au restaurant, c’est décevant. Donc c’est intéressant d’entendre qu’aux US, il y a une industrie complètement nouvelle qui se met en place avec des réflexions sur le retail : comment mettre en avant ces produits ? Que l’innovation permette de faire attention à ce qu’on boit, ce qu’on mange, ce qu’on respire, en incluant un max de gens, cela va dans le bon sens selon moi.”
Notons enfin la disparition quasi totale de plusieurs tendances des années précédentes. Métavers, NFT, Blockchain… L’IA, par contre, est à tous les coins de rue. “On croise un chien, on se demande si c’est une IA”, plaisante Gilles Bazelaire.
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