Le numérique et la tech en éducation, version poutine et caribou
Auteurice de l’article :
Les 4 et 5 mai derniers se tenait à Montréal le sommet du Numérique 2023. Pour sa 11ème édition, l’organisation n’a pas lésiné sur les innovations numériques pédagogiques et la qualité des intervenant·es. Conférences inspirantes sur l’intelligence artificielle et la réalité virtuelle, outils ultra concrets pour créer son podcast pédagogique (ou balado comme dirait le Québec) et ateliers participatifs pour coder simplement. kingkong y était, on vous raconte !
On est jeudi, le réveil a sonné, une banane dans le ventre, un café “to go”, le métro de Montréal est bondé. On sort à “Bonaventure” et on entre dans le lobby de l’hôtel où se déroulera le congrès.
10ème étage, Ding! On va chercher notre badge, on retrouve les copains et copines de l’École Branchée et de l’Edulab et on entre dans la salle pour le mot d’ouverture. C’est Gabriel Bran Lopez qui prend la parole en premier. Il a fondé, il y a 15 ans, Fusion Jeunesse et Robotique FIRST. 15 ans ?! YES. 15 ans. Ça prouve la réalité et l’ouverture d’esprit du Québec sur le numérique pédagogique. Alors que chez nous, on peine à avoir des projecteurs et du wifi dans les classes, il y a clairement là-bas une autre philosophie autour de la technologie au service des apprentissages.
Pour que vous compreniez notre contexte belge, on vous fait un petit résumé de la situation. À partir de septembre 2023, dans quelques mois donc, le système scolaire va devoir s’adapter à une réforme de l’enseignement. Un nouveau référentiel de compétences à développer en classe va faire son apparition, laissant transparaître le besoin évident d’accompagner les jeunes à intégrer le numérique de manière citoyenne et critique. Fondamentalement, c’est plutôt une bonne chose : l’école doit se rapprocher au mieux de la réalité de la vie et du monde du travail. Aujourd’hui, le numérique et la technologie font partie intégrante de notre quotidien. Il est donc temps que le milieu scolaire évolue face aux transformations profondes de la société.
Alors… on pourrait profiter de cet article pour questionner (critiquer ?) l’injonction du système envers les profs à imaginer de nouvelles séquences de cours à partir de rien (manque d’information et de formations, écart de connaissances de bases, etc.) mais nous ne sommes pas là pour ça (hum hum).
Cette conférence d’ouverture posait les bases et validait une position d’engagement dans sa fonction de prof : permettre aux élèves de s’épanouir, d’être bienveillant·es et outillé·es pour devenir les citoyens et citoyennes de demain. BOUM. Plutôt que de voir le numérique comme un frein, un obstacle, les enseignant·es présent·es y voient de nouvelles opportunités, des possibilités d’exploiter ces outils numériques, technologiques, robotiques en classe.
Bien qu’on ait fait de merveilleuses rencontres pendant ces 48 heures chargées et intenses, avec kingkong, on a décidé de mettre le focus sur deux interventions innovantes, puissantes et passionnantes !
La puce à l’oreille
Le premier atelier qu’on suit, c’est sur les podcasts pédagogiques (tiens tiens…). Peut-être qu’on s’est habitué·e à entendre (et comprendre) l’accent québecois mais celui de Prune Lieutier était très subtil. On a même cru qu’elle était française, c’est dire… Cette femme est productrice indépendante d’expériences sonores pour la jeunesse. En bref, elle crée des podcasts en associant créateurices, chercheur·euses, scientifiques pour aboutir à une production immersive, ludique et pertinente sur des sujets variés. Et franchement, on ne loupe pas une miette de son intervention.
Déjà, on craque pour la démarche : la plupart de leur contenu (200 podcasts quand même !) sont des docu-fictionnels. L’idée est de transformer du documentaire en quelque chose de divertissant pour les enfants. Et ce n’est pas parce que c’est engageant et ludique qu’on en oublie la vulgarisation : chaque podcast a un objectif de transmission. Et honnêtement, le pari est réussi. Elle nous donne l’exemple d’un projet composé de 4 séries produits avec Espace pour la vie (Planétarium, Insectarium, Jardin Botanique et Biodome). À destination des enfants de 7 à 9 ans (c’est le cœur de cible mais même nous on dévore), chaque série comporte 6 épisodes de 10 minutes sur la thématique de l’espace spécifique. On retient surtout la série “les insectes ont le cafard” qui nous fait gentiment penser aux Zinzins de l’Espace… allez savoir pourquoi.
“Vous ferez entre autres la connaissance d’une chenille qui a peur de changer, d’une abeille qui a le sentiment de ne jamais être à la hauteur ou encore d’une fourmi Atta qui n’aime pas les champignons ! Découvrez comment de si petits êtres vivants jouent un si grand rôle dans l’équilibre de la biodiversité !”
Et à côté de toutes ces productions à destination des enfants, l’association propose aussi des ateliers de médiation de création balado avec… des enfants pour des… enfants. En plus d’y développer des compétences techniques, c’est aussi tout un travail de recherche d’information, d’expression, de création, d’analyse mais aussi de développement des softskills comme on dirait aujourd’hui…
Oh my ChatGPT
Deuxième atelier, c’est LA STAR de 2023 : l’intelligence artificielle ! Bah tiens, tu m’étonnes. Ouf, on a fait notre inscription à la conférence en temps voulu parce que c’est sold out évidemment. La salle est pleine à craquer et on attend avec impatience de rencontrer Jean-François Mercure du service national du RECIT dans le domaine du développement de la personne et Marie-Eve Lapolice qui travaille aussi au service national du RECIT mais dans le domaine des arts.
Leur sujet ? “Chat GPT et les autres IA : pourquoi, quand et comment les utiliser dans l’éducation ?” RE-BOUM ! Ça change des réactions réfractaires d’un grand nombre d’enseignant·es belges autour de cette nouvelle technologie. Alors certes, au quotidien, on est entouré·e de profs qui sont plein·es de ressources et d’imagination pour intégrer les IA dans leur cours, mais clairement, l’avènement de cette nouveauté fait peur plutôt qu’elle n’attire (on vous invite d’ailleurs à lire l’article de Laurent Di Pasquale, enseignant en 3ème secondaire à Liège qui travaille énormément la question du numérique et intègre l’IA dans ses cours).
Leur intervention s’organise autour de 3 questions très simples : pourquoi, quand et comment.
Pourquoi ?
Parce que ça peut assister les profs dans certaines tâches en éducation, en génération de contenus principalement. L’acronyme GPT (in english please) veut dire
- Generative : générer
- Pre-Trained : à partir d’un corpus qu’on appelle le “common croll”, regroupement de presque tout le texte qui se trouve sur internet (petite info folle : Wikipédia représente 3% du corpus de Chat GPT 3.5)
- Transformer : qui centre son attention sur le contexte pour générer la réponse la plus adéquate possible
Quand ?
Jean-François donne 3 réponses à cette question :
- Quand c’est utile. On a rigolé.
2. Quand tu sais ce que ça fait, mais aussi ce que ça ne fait pas : ça ne sert pas à calculer, ça ne sert pas à traduire. On vous met d’ailleurs des exemples. Chat GPT a une mémoire, ça permet donc d’améliorer le contenu de la réponse à partir de nos rétroactions. Ca classe, ça vulgarise, ça résume, ça inspire, c’est créatif.
3. Quand tu sais faire une requête, on appelle ça : l’art du prompt. En bref, il faut respecter 5 conditions :
A. Donner un rôle
B. Donner un contexte
C. Expliquer la tâche
D. Cibler des contraintes
E. Indiquer le résultat du rendu attendu
Comment ?
Et là, nos deux intervenant·es débordent d’imagination : en apprentissage, on peut l’utiliser pour converser (débattre sur des idées, apprendre une nouvelle langue, etc.), pour générer du contenu (créer des images pour présenter ses cours, par exemple) ou pour réviser et analyser (créer des questions, reformuler des contenus difficiles en vulgarisation, etc.). En évaluation, on peut l’utiliser pour conseiller (tester de nouvelles approches scolaires, entrevoir des enjeux et des solutions), pour générer du contenu de nouveau (élaborer des rubriques d’évaluations détaillées par exemple) ou encore pour assister (par exemple, comment adapter son matériel péda à des profils d’apprenants spécifiques). Et enfin, Chat GPT est utile pour des tâches connexes comme aider à l’écriture de mails, de listes d’activités en classe, de planification, d’organisation des bancs, etc.
Ateliers concrets et recherche scientifique
Ce qui nous a particulièrement stimulé·e au sommet du numérique, c’est ce va et vient constant entre la pratique et la théorie, entre le concret et la recherche. Parce que d’une part, c’est un tas d’ateliers autour d’outils tangibles et de projets actuels : on pourrait vous parler de l’utilisation de la réalité virtuelle pour traiter le cyber-harcèlement, de l’utilisation de la robotique pédagogique pour comprendre la programmation informatique et la résolution de problèmes mathématiques. On pourrait aussi vous montrer un projet d’écriture en français autour d’histoires dont vous êtes le héros ou l’héroïne, de dessin de BD avec l’outil numérique Pixton, de création de jeu avec MakeCode Arcade ou de narration transmédia avec Boukili pour réinvestir la lecture de façon créative.
Mais d’autre part, ce sont des conférences qui relaient des résultats liés à des recherches autour de l’éducation et du numérique. On retiendra surtout ce triptyque fabuleux intitulé “comment tirer profit de la recherche” et ce projet féministe “Les ambitieuses” qui est une modélisation d’un parcours éducatif de sensibilisation aux métiers et professions liés aux STEAM (sciences, technologies, ingénierie, arts et mathématiques) destiné aux filles du 2ème cycle du secondaire.
Qui est chaud·e pour faire un évent du genre mais version moules-frites ?
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