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Portrait 5 minutes de lecture

Monastudio, casser les codes conventionnels du web

Auteurice de l’article :

Marie-Flore Pirmez

Véritable vorace de podcasts et de documentaires, Marie-Flore croit fermement en un renouveau du journalisme écrit grâce aux multiples opportunités du web et des magazines longs formats. Lorsqu'elle enlève sa casquette de journaliste, vous risquez de la croiser en train de randonner ou dans un studio de yoga.

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Accompagner les entreprises dans leur transition numérique et repenser le site web non plus comme simple vitrine mais en tant qu’expérience. Telle est l’ambition d’Aude Schaff et Nicolas Germeaux, fondateurices de l’agence de webdesign Monastudio. Derrière cette jeune entreprise namuroise se cache le récit inspirant de deux parcours que rien ne prédestinait au web.

“C’est chercher à innover pour se démarquer, et surtout, continuer d’apprendre par soi-même et d’acquérir de nouvelles compétences tous les jours”, dit-il. “Pour moi, c’est proposer à nos client·es des expériences qu’ils n’ont jamais croisées sur le web, qui sortent de leurs habitudes, sans nous-mêmes tomber dans quelque chose de routinier et en restant curieux·se”, décrit-elle. Voilà ce qui inspire les deux fondateurices de Monastudio lorsqu’on leur demande de parler de leur agence sans utiliser le terme “webdesign”.

Comme pour de nombreux·se néo-entrepreneur·euses, c’est la crise sanitaire qui a remis en perspectives les projets personnels et professionnels de Nicolas et Aude. De son côté, après avoir tenté la médecine et les sciences biomédicales, Nicolas commençait à perdre confiance en lui, mais surtout, il ne trouvait que peu de sens dans ses études. “J’ai fini par étudier l’informatique, plus particulièrement la cybersécurité. Mais encore une fois, je sentais que je n’étais pas totalement à ma place. C’est par hasard que j’ai découvert le webdesign et les approches UX et UI.”

En langue moldue, comprenez “User experience” et “User interface”. Deux expressions anglophones pour désigner le champ du webdesign qui s’attache d’une part à travailler l’expérience utilisateurice d’un site web, et d’autre part, l’interface, c’est-à-dire les fenêtres, boutons et autres éléments textuels ou visuels avec lesquels l’internaute va interagir. De cette rencontre avec le webdesign, Nicolas n’en reviendra pas indemne. Sans rien y connaître, il décroche un stage en agence web où il apprend tout sur le tas.

Lorsque le covid est arrivé, on a passé nos nuits à apprendre le codage et le webdesign.

Aude non plus ne savait rien du webdesign. Son parcours qu’elle caractérise de “classique” lui fait débuter des études en sciences politiques. Manque de sens, de concret, demi-tour à 180 degrés. Elle poursuit dans la comptabilité avec pour objectif de bosser dans la gestion culturelle afin de s’adonner à une de ses passions, la musique. “Je savais que le secteur créatif m’appelait, mais la compta, j’ai vite compris que ça n’allait pas me porter non plus.” Sur un coup de tête et en plein milieu d’année, elle change d’orientation et se tourne alors vers l’audiovisuel et le graphisme, époque à laquelle elle rencontre un certain Nicolas. “J’étais aussi attirée par le web. Et lorsque le covid est arrivé, on a passé nos nuits à apprendre le codage et le webdesign.” De là, il n’a pas fallu attendre longtemps pour voir les deux entrepreneur·euses se lancer sur la voie de Monastudio.

La jeune entreprise namuroise vient à peine de souffler ses deux bougies mais a déjà été récompensée aux Awwwards en 2021 (une organisation qui reconnaît le talent des meilleur·es développeur·euses, concepteurices et agences web du monde). Dernièrement, Nicolas et Aude sont d’ailleurs allé·es parler de leur aventure entrepreneuriale dans des écoles. Avec humilité, iels étaient fier·ères de revenir sur le chemin parcouru. “Au-delà de la substance de notre présentation sur le webdesign, on voulait surtout faire passer un message aux jeunes : ce n’est pas grave d’avoir un parcours sinueux, ça ne fait que nous rapprocher un peu plus de nous-mêmes.”

L’image à gauche, le texte à droite

Rapidement, il apparaît aux deux webdesigners que les conventions sur le web sont, comment dire, très conventionnelles. L’image à gauche, le texte à droite, les codes se répètent de site en site. “Alors qu’en webdesign, on peut travailler avec de l’immersif, de la 3D, des technologies émergentes”, s’étonnent les deux vingtenaires. Comment alors initier l’innovation sur le web, créer des sites qui retiennent l’attention ? “En implémentant de véritables expériences web.” – Notons d’ailleurs que durant notre échange, Nicolas et Aude n’utilisent pas l’expression “site web”.

©Augmented reality experience – KIKK Festival – Monastudio

Développement, design, création d’identité, expériences 3D, réalité augmentée, stratégie ou encore cybersécurité. En autodidacte, le duo du web a peu à peu développé son champ de compétences. Mais c’est aussi grâce à une rencontre particulière qu’iels ont pu élargir leur activité. Iels travaillent désormais au TRAKK, le hub créatif namurois installé le long de la Sambre. Pour la plupart indépendant·es, les créatif·ves qui investissent ces lieux constituent une communauté importante dans le secteur culturel et créatif de Namur. Sans compter leurs heures de travail, iels sont surtout là pour oser entreprendre. “Le TRAKK, c’est un espace de travail qu’on visait depuis le début de Mona, raconte Nicolas. On a besoin d’un mode de travail hybride, partagé entre notre chez-nous et un endroit dédié à notre vie professionnelle, mais on a aussi besoin de pouvoir s’inspirer d’autres créateurices. Le TRAKK encourage de manière informelle aux synergies. Pour un projet web, nous avions par exemple besoin de compétences en modélisation 3D, et c’est au TRAKK que nous avons rencontré le bon interlocuteur.”

Webdesign en outre-Atlantique

Des synergies, Nicolas et Aude ambitionnent aussi d’en créer au Canada. En mars dernier, iels sont partis en mission à Québec, grâce à une bourse de Wallonie-Bruxelles International, afin d’assister à un lot de conférences ainsi qu’à une semaine dédiée au futur du numérique. Nicolas avoue avoir quelques attaches là-bas, étant déjà parti dans le pays nord-américain pour son Erasmus. Mais cette nouvelle opportunité motive les deux Belges à collaborer à l’extérieur de la Belgique. “D’un point vue technologique, le Canada est un univers ahurissant. Il n’y a qu’à voir le nombre d’agences créatives au mètre carré. Pour nous, c’est l’occasion rêvée de nous immerger dans ce flux et de rencontrer des personnes d’autres horizons pour éventuellement nouer des partenariats ou d’autres collaborations à l’international.”

Le webdesign est une sorte de langage universel. Mais la façon d’aborder les projets avec les client·es au Canada est radicalement différente.

En dehors des possibilités d’échanges de compétences, la culture de travail canadienne est plutôt singulière par rapport à la Belgique, ce qui inspire les fondateurices de Monastudio. “Le webdesign est une sorte de langage universel, les pratiques sont plus ou moins comparables à l’international. Mais la façon d’aborder les projets avec les client·es au Canada est radicalement différente. En Europe, on a tendance à tourner autour du pot, sans dire clairement ce qu’on pense d’une première version de travail. Certain·es client·es nous donnent carte blanche, mais lorsqu’on ose quelque chose qui sort des sentiers battus du web, on sent parfois les réticences, et on doit alors faire marche arrière vers quelque chose de plus classique. Au Canada, tout est très direct, ce qui fait que les projets avancent bon train. On propose des choses peut-être moins abouties mais on a pas peur de l’innovation et du risque.”

La proximité avec les États-Unis, le rythme frénétique de la Silicon Valley, entraîne certainement une course au pays à la feuille d’érable qui a plutôt envie d’appuyer sur l’accélérateur pour être en tête dans le secteur de la tech. De leur côté, Nicolas et Aude continuent de se former au jour le jour, mais iels reconnaissent aussi qu’iels ont pris l’habitude, comme beaucoup d’entrepreneur·euses, de travailler énormément, en perdant parfois l’équilibre entre vie privée et vie pro. Néanmoins, les deux jeunes webdesigners considèrent que même avec l’arrivée des intelligences artificielles (IA), leur métier n’est pas voué à disparaître. “Ça non. Il est amené à évoluer, certes, tout comme la nature des sites web. Pour nous, le web standardisé va s’essouffler. On le voit déjà avec la vague de sites gratuits qui perdent de leur élan. La gratuité n’est qu’un leurre en termes de référencement, mais pas que. Ce qui va perdurer, c’est l’expérience web et la créativité qu’on pourra toujours y insuffler.”

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