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La mode digitale : révolution ou science-fiction ?

Auteurice de l’article :

Juliette Maes

Diplômée d’un Master en Presse et Informations à l’IHECS en 2020, Juliette a fait ses premiers pas en journalisme au ELLE Belgique, pour qui elle écrit toujours aujourd’hui. Touchée par les sujets féministes et sociaux, elle s’intéresse entre autres à l’entrepreneuriat féminin, à l’inclusivité et à la transition écologique. Professionnellement, Juliette a la bougeotte. À côté du journalisme, elle est photographe et vidéaste, notamment pour Badger Production, une boîte bruxelloise experte en storytelling d’entreprise.

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Les termes NFT, métavers ou encore Web3, sont arrivés récemment dans les bouches de toustes les curieux·ses. Encore obscurs pour nombreux·ses, ils s’installent dans notre quotidien à travers la culture, les réseaux sociaux ou encore la mode. Pourtant, les opportunités économiques engendrées par l’univers digital et la pérennité de ce nouveau modèle restent en suspens.

La mode digitale est la représentation visuelle de vêtements construits à l’aide de technologies informatiques et de logiciels 3D. Elle consiste à utiliser la technologie de la mode numérique telle que l’intelligence artificielle pour créer des produits avec des logiciels sociaux et techniques complexes. Cette industrie est en plein essor en raison des consciences éthiques et climatiques grandissantes des populations. 

La transformation numérique de l’industrie de la mode est arrivée beaucoup plus tard que pour d’autres industries. Sans doute parce que les valeurs de traditions et d’héritage des marques, ainsi que les valeurs matérielles et esthétiques des vêtements, ont longtemps généré une perception du “numérique” en opposition au “physique”.

C’est en 2018 que cela a commencé à changer lorsque Carlings, un détaillant scandinave, a sorti sa première collection de vêtements numériques, composée de 19 pièces unisexes et de taille unique. Leur but était de proposer un seul t-shirt qui pouvait arborer plusieurs designs grâce à un filtre spécial seulement accessible à celleux qui auront acheté le t-shirt.

À l’époque, le produit a connu un franc succès et les stocks se sont vidés en quelques jours. Les pièces ne coûtaient qu’entre 10 et 30€. Tous les bénéfices ont été reversés à WaterAid, une organisation qui travaille à l’assainissement des eaux dans les pays qui ont un accès limité à l’eau potable. 

La pandémie et ses opportunités cachées

Mais c’est la pandémie de Covid-19, arrivée deux ans plus tard, qui a eu un impact sans précédent sur l’industrie de la mode : être coincé à la maison a entièrement effacé le besoin d’acheter de nouveaux vêtements et de partager des tenues à la mode. 

Cette industrie, connue pour son haut niveau de créativité, a tendance à être influencée par les phénomènes sociaux et économiques. Dans un contexte de crise climatique couplé à une crise sanitaire, la mode numérique se présentait alors comme une porte d’entrée en or vers un nouveau modèle financier largement inexploré jusque-là. Et lorsque la génération Z est arrivée avec un pouvoir d’achat et une voix élevés, les marques ont réalisé le rôle crucial d’une expérience numérique pour attirer ces jeunes. 

© Cash Macanaya on Unsplash

Le Covid-19 a poussé les marques à repenser comment elles pouvaient rouvrir en toute sécurité pour présenter leurs nouvelles collections aux client·es. Ainsi, elles ont découvert dans les technologies immersives un large potentiel dans la construction de ponts entre les espaces physiques et numériques pour les relier aux client·es.

Les pionnières dans cette nouvelle direction ont été les marques de cosmétiques. Premièrement, car il est plus simple d’utiliser les technologies immersives pour tracer un visage qu’un corps entier. Ensuite, car la pandémie a généré une plus grande sensibilité envers l’hygiène. Essayer sans toucher est donc devenu encore plus important lorsqu’il s’agit d’un rouge à lèvre plutôt qu’une robe. La plupart des marques de cosmétiques proposent aujourd’hui un essai virtuel comme MAC, Urban Decay, L’Oréal et bien d’autres.

2022, l’année de la mode digitale et la montée du métaverse

Aujourd’hui, la mode numérique prend plusieurs formes. Les marques de haute couture comme Balenciaga, Gucci, Louis Vuitton ou encore Dior utilisent les technologies numériques pour mettre en scène leurs collections à la façon des jeux vidéo. Les résultats sont ensuite diffusés sur des plateformes de streaming et autres réseaux sociaux. 

Dior Autumn-Winter 2020-2021 Haute Couture

D’autres marques s’imposent sur le marché avec un modèle économique original et écologique. Elles proposent des e-shops vendant des articles de mode et des reproductions de produits haute couture virtuels à bas prix. Les achats sont ensuite ajoutés numériquement sur des photos envoyées par les client·es, qui peuvent les poster directement sur les réseaux sociaux. Ces vêtements ne sont dès lors utilisés que pour la création de contenu et n’existent que virtuellement, ce qui permet à l’industrie de la mode de devenir plus durable.

Enfin, la mode digitale peut être utilisée pour essayer des vêtements ou accessoires chez soi, grâce à sa webcam, via un système d’intelligence artificielle. 

Ces révolutions dans l’industrie de la mode offrent aux consommateurices de nouvelles expériences et développent l’expression de soi. Elles rendent également cette industrie plus écologique. Évaluée à 10 milliards d’euros en Belgique, la mode est la deuxième industrie la plus polluante au monde, après l’industrie du pétrole. Elle est responsable d’une grande partie de la pollution de l’eau et de l’atmosphère, mais aussi à l’origine de déchets et de gaspillage de ressources naturelles. Le transport et la livraison des marchandises pèsent également sur une empreinte carbone déjà monstrueuse. 

Devant ces réalités, le digital se présente donc, si pas comme une alternative à part entière – nous avons tout de même toujours besoin de nous habiller – en tout cas comme une porte d’entrée vers une conscientisation générale du public et une réponse partielle à l’acquisition de nouveaux produits à destination d’une publication sur les réseaux sociaux.  

Une fashion week façon digitale

En mars 2022, après des mois d’anticipation autour de l’événement, se tenait la première et très attendue Metaverse Fashion Week, sur la plateforme Decentraland. Durant la semaine, une multitude de marques ont dévoilé leurs collections numériques à travers des défilés. Alors que The Fabricant et Dolce & Gabbana ont défilé avec des collections virtuelles, Dundas, Selfridges et DKNY faisaient partie de ceux qui ont ouvert des magasins numériques où les “joueur·euses” pouvaient acheter et explorer des produits numériques et physiques. 

Les résultats de cette première édition étaient mitigés, avec un peu plus d’une centaine de milliers de visiteur·euses venu·es assister à l’événement, laissant penser que l’engouement pour le Métavers et la mode digitale n’est pas au rendez-vous. 

La révolution Web3 semble pourtant bien être en marche, ou du moins à ses débuts. Les dernières nouvelles de l’industrie de la mode suggèrent que les principaux·ales acteurices de l’industrie croient au Métavers et entendent en tirer parti dans leurs différentes expérimentations. Au-delà des collections de vêtements virtuels, des NFT et des incursions dans le gaming, le Métavers s’avère également être une vitrine incroyable pour les marques et les détaillants, qui l’utilisent pour présenter leurs collections – qu’elles soient réelles ou virtuelles – mais aussi pour montrer des produits spécifiques, des éditions limitées aux collaborations. Et cela sera sans aucun doute mis en lumière lors de la prochaine Metaverse Fashion Week.

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