À Lyon, la Fête des lumières face à la sobriété énergétique

Auteurice de l’article :
Chaque année à Lyon depuis 1989 se tient autour du 8 décembre la Fête des lumières. Une fête religieuse devenue festival populaire, autour de la lumière, du mapping et des arts numériques.
La Fête des Lumières de Lyon a eu lieu du 8 au 10 décembre dernier. Comment organiser un tel événement alors que la France se met à l’heure de la sobriété énergétique ? On en a parlé avant l’événement avec Marion Traversi, chargée de projet de la Fête des lumières en charge de l’éco-responsabilité.
Comment organiser un tel événement en temps de sobriété énergétique ?
La Fête des lumières n’est pas aussi dépensière en énergie qu’elle n’y paraît – la consommation est de l’ordre de quelques milliers d’euros. Les sources énergétiques ont beaucoup évolué et sont aujourd’hui à LED, beaucoup moins énergivores que ne l’étaient des projecteurs traditionnels.
Pour pouvoir accueillir les œuvres dans l’environnement urbain, nous éteignons énormément d’éclairage public. C’est un équilibre qui va très vite. L’éclairage public n’a pas terminé sa mue, beaucoup sont des lampes à décharge ou à sodium très énergivores.
D’un point de vue encore plus macro, les centaines de milliers de personnes dans les rues de Lyon pendant des heures ne sont pas chez elles et donc n’utilisent pas leurs appareils.
Avez-vous des outils et des indicateurs pour calculer ces compensations ?
Ces problématiques sont récentes, nous n’avons pas encore mis en place d’outils mais on sait qu’on nous demandera de plus en plus de donner des chiffres.
Au-delà des chiffres, comment gérer la symbolique ?
C’est l’importance de la communication. D’abord au sein de notre écosystème : tout le monde est porteur de questions, notamment les artistes. Le standard de la ville de Lyon est assailli de gens qui s’interrogent. Le maire de Lyon (Grégory Doucet, écologiste, Ndlr) s’est exprimé très clairement là-dessus : il était très attaché à ce que la Fête des lumières soit maintenue. Au sortir de la période traversée avec le Covid, il lui semblait important de maintenir la cohésion et le lien que permettent ces grands événements.
L’un des domaines énergivores est le transport des œuvres. Agissez-vous dessus ?
Ce sera un point de vigilance accrue mais ce n’est pas un problème majeur. Pour le mapping, la question du transport ne se pose quasiment pas. La plupart du matériel lumière est loué sur place. La scène lyonnaise est aussi très représentée.
L’empreinte la plus importante est celle du public. La ville de Lyon souhaite un tourisme plus durable et on va privilégier un tourisme local ou européen. Durant la Fête, la SNCF augmente le cadencement des trains pour absorber plus de voyageur·euses et éviter qu’iels ne se déplacent en voiture. La Sytral (société qui gère les transports lyonnais, Ndlr) adapte son offre avec un ticket gratuit le 8 et les autres soirs à prix modique. Enfin, on accueille des autocars. On fait en sorte que les modes collectifs et doux soient privilégiés.
Dans nos études de fréquentation, on a été surpris de voir que le public de la Fête des lumières est très local (ville, métropole, région). La légende urbaine qui consiste à dire que les Lyonnai·ses fuient la ville pendant la Fête n’est pas totalement exacte.
Qu’en est-il du réemploi et du recyclage des œuvres ?
La Fête de la lumière est souvent un terreau de création mais aussi de réutilisation. Le but est que la surface d’exposition soit importante et permette aux artistes de rebondir sur d’autres festivals.
Cette année, on a initié une collaboration avec des festivals de Jyväskylä (Finlande) et Eindhoven (Pays-Bas) pour produire ensemble une œuvre et que les artistes soient assuré·es de jouer à plusieurs endroits. La sculpture va être déplacée et réinterprétée sur chaque territoire par une communauté d’habitant·es.
Il y a aussi des initiatives intéressantes comme le projet de Recyclerie culturelle. C’est un outil coordonné par la métropole de Lyon qui permettra de donner une œuvre dont on n’a plus besoin pour d’autres utilisations, soit en l’état, soit en récupérant juste les matériaux. C’est à la fois du réemploi et de la mutualisation de moyens et cela permet aux grand·es et petit·es acteurices de mettre en commun.
Il y a cette année de nombreuses œuvres qui mettent en avant l’écologie et/ou font intervenir le recyclage…
On incite à la prise en compte des données environnementales, au réemploi, à l’inclusion. Sur les gros sites, nous faisons appel à des marchés publics et il nous faut définir clairement notre demande. En plus de l’aspect artistique, technique et tarifaire, 15 % de la note dépend du développement durable. Ça peut vraiment faire la différence.
Par exemple Bibi, place Voltaire, propose Gazouillis, une œuvre faite de 300 oiseaux fabriqués par des enfants avec des bidons de plastique recyclés. Pendant les ateliers de fabrication, les artistes ont parlé aux enfants de ce qu’est un déchet, des problématiques environnementales…
On a aussi du réemploi avec I ♥ Light, place Bellecour. Les artistes ont récupéré plus de 900 lampes de chevets.
Il y a aussi de plus en plus de data design. Avec Agorythm, au parc de la Tête d’Or, ou The Shape of Things to Come, place Antonin Poncet, la mise en lumière est générée par l’analyse de données atmosphériques, de l’eau, de l’air…

Place de la République, nous avons Cymopolée, du nom de la déesse des tempêtes. Nous avons aussi Murmuration, de Squidsoup, un collectif qu’on voulait faire venir depuis longtemps. Leur installation est un immense cercle fait de petites boules lumineuses et sonores, autour du mouvement des étourneaux qu’on appelle murmure.

Ce n’est pas simplement une demande de notre part, les artistes expérimentent et agissent de plus en plus sur ce pont entre la technologie et la nature.
Vous voulez obtenir une certification pour garantir votre démarche environnementale. Quelles sont les prochaines étapes ?
C’est une démarche impulsée par l’exécutif en début de mandat. Nous souhaitons être certifié sur la norme environnementale ISO 20121, liée à l’événementiel et à la culture. Ce n’est pas une norme de résultat mais une norme de moyens et de gestion de projet.
Il y a plusieurs étapes. La première est un audit interne pour faire l’état des lieux de nos pratiques. Il faut ensuite fixer les enjeux, un cadre et des objectifs, pour créer une politique de développement durable. Nous travaillons sur notre plan d’action et le déploierons l’année prochaine. La fête des lumières de 2023 sera le point d’orgue et le moment de certification.
On parle d’environnement mais pas seulement. Le développement durable prend aussi en compte le social et l’inclusion est l’un de nos axes forts.
Y’a-t-il une conversation commune entre les acteurices culturel·les sur ces sujets ?
Des initiatives se montent un peu partout. Pendant la fête des lumières, on coorganise avec le réseau des villes LUCI le Lyon Light Festival Forum. On réunit pendant deux jours des professionnel·les pour réfléchir au futur de la lumière. Nous avons tous envie de poursuivre, nous sommes convaincu·es de l’utilité des événements comme espace de sensibilisation, de cohésion et de partage, et nous avons à la Fête des lumières une volonté très forte d’un service public de la culture. Il faut que l’on arrive à se réinventer.
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