Larian Studios, la folle histoire vidéoludique belge
Auteurice de l’article :
“Baldur’s Gate 3”. Ce nom est en ce moment sur toutes les lèvres des gameur·euses. À peine sorti, le 3e opus d’une des licences les plus connues du monde vidéoludique écrase littéralement tout sur son passage. À la base de cet incroyable succès, un studio belge, passé du petit poucet d’Audenarde à un géant international.
Des dizaines de millions d’euros de budget, une équipe de 400 personnes pour le développer, 6 ans de gestation, mais surtout, 472 136 joueur·euses connecté·es au jeu le jour de sa sortie ! Pour son lancement, on peut dire que “Baldur’s Gate 3” a fait fort, très fort. L’afflux a été tel qu’il a tout simplement fait crasher la plateforme Steam, qui héberge le jeu.
Il faut dire que le projet de Larian Studios était attendu. Le 2e épisode rêvé par les fans de la franchise “Baldur’s Gate” – “Baldur’s Gate 2: Shadows of Amn” est sorti il y a… 23 ans. Disponible en version anticipée depuis 3 ans, bourré de promesses, omniprésent sur les réseaux sociaux et faiseur régulier de buzz, le jeu de rôle basé sur les règles de “Dungeons & Dragons” semble tenir toutes ses promesses.
Baldur’s Gate 3 en quelques mots
Mais avant de nous pencher sur le destin incroyable des Belges qui en sont à l’origine, parlons un peu du jeu en lui-même. Il s’agit d’un “RPG“ (jeu de rôle en français) se déroulant dans un monde “d’heroic-fantasy“. Sa grande force : permettre aux joueur·euses d’incarner un·e héros·ine totalement personnalisable et de réaliser tout, ou presque, au sein de l’immense monde proposé dans “BG3”.
Des exemples ? Vous pouvez orienter tous les choix de vie de votre alter-ego ludique, en faire un·e preux·se chevalier·ère, défenseur·euse de la veuve et de l’orphelin·e, ou au contraire un·e psychopathe sanguinaire, prêtant allégeance aux forces du mal dépeintes dans le jeu.
Vous pouvez jouer seul·e, en réseau avec des ami·es ou même sur un écran partagé. L’histoire qui vous sera narrée est absolument gargantuesque et adaptée à presque toutes les situations. Outre la trame narrative principale, vous pourrez faire se nouer des relations très profondes entre les personnages et même leur faire vivre des romances complètement folles…
Bref, les promesses sont immenses, et les retours confirment que le résultat final est à la hauteur des attentes.
Swen Vincke, la passion comme moteur
Mais la route pour arriver à un projet aussi colossal, médiatisé et attendu fut longue. Et elle commence avec un Belge nommé Swen Vincke. Né en 1972 à La Panne, fils de restaurateurices d’un petit établissement installé le long de la côte, Swen devient très jeune un grand fan de jeux vidéo, de programmation et de jeux de rôle. Sa passion pour ces sujets est telle qu’il élabore lui-même son premier embryon de jeu vidéo alors qu’il est encore à l’école.
Diplômé en informatique, il ne veut néanmoins pas seulement créer le code des jeux qu’il entend réaliser. Ce qui l’intéresse, c’est de toucher à tout, de la conception à la supervision, et du gameplay à la narration.
Il crée Larian Studios en 1996, dont le nom vient de son chien de l’époque, Larre – oui, véridique – avec une approche atypique. Il s’engage notamment très fortement envers les joueur·euses et la communauté du ‘gaming’. Il se rend régulièrement déguisé à des événements de jeux de rôle grandeur nature, s’implique dans les forums de discussion et autres plateformes de réseautage pour écouter et répondre aux commentaires de celleux qui jouent à ses productions, et incorporer leurs suggestions dans ses nouvelles tentatives.
Thinking of a career change pic.twitter.com/vnGMRL8Wlt
— Swen Vincke @where? (@LarAtLarian) August 1, 2018
What are the odds. Bumped into @BlondeNerd at random airport and she’s not wearing her Larian shirt pic.twitter.com/nsNZe6eV1f
— Swen Vincke @where? (@LarAtLarian) May 24, 2019
Larian Studios en eaux troubles…
L’histoire de Larian Studios est pourtant tout sauf une promenade de santé. Le premier projet du studio – “The Lady, the Mage and the Knight” – ne parvient même pas au stade final, faute d’avoir convaincu les éditeurices d’y investir de l’argent.
Pour prouver les capacités de la petite équipe qu’il a formée, il sort ensuite un autre jeu nommé “LEDwars” en 5 mois. Ce dernier arrive à terme, mais n’a qu’un succès commercial très relatif.
Les années suivantes, Larian Studios frôle plusieurs fois la faillite. Chaque jour est un défi, et Swen Vincke tente tant bien que mal de maintenir le studio à flot en travaillant sur des petits projets, notamment des jeux pour des sites de casino.
En 2002, il sort son premier gros projet : “Divine Divinity”. Le jeu, malgré un départ chaotique, se vend bien et est un succès commercial. Mais Vincke et son équipe ont oublié un gros détail, comme il l’explique lors d’une interview pour PC Gamer : “Nous étions tellement enthousiastes à propos de la signature avec l’éditeur que nous n’avons pas vraiment prêté attention au contrat. C’était un modèle standard à l’époque, mais si vous ne vendiez pas des millions de votre jeu selon le modèle des redevances, il était très difficile d’en tirer le moindre profit. Divine Divinity ne nous a donc presque rien rapporté”.
Conséquence, les fins de mois sont difficiles. Larian Studios se tourne alors vers d’autres missions plus “alimentaires”, comme des jeux pour enfants pour la chaîne flamande Ketnet, et se lance dans la suite de “Divine Divinity” qui sort en 2009. Les espoirs sont grands, surtout avec la signature auprès d’un gros éditeur qui permet aux Belges de penser qu’iels pourront réaliser toutes les ambitions qu’iels ont en tête.
Mais au final, iels déchantent, car sous la pression de leurs financeureuses, Divinity 2 sort de manière précipitée, amputée de nombreuses caractéristiques chères à Vincke et truffé de bugs. Malgré cela, il performe correctement… quoique pas suffisamment pour mettre le studio à l’abri.
Et puis vient la lumière…
En 2014, après de nouvelles années compliquées passées à trouver des ressources pour subsister, Larian Studios joue son va-tout. Tout le budget, toutes les forces vives sont lancées dans ce – peut-être – dernier projet. Swen Vincke est épuisé d’essayer sans jamais vraiment réussir. Pour lui, ce sera soit la consécration, soit la mort du studio.
“Divinity – Original Sin” intègre toutes les caractéristiques qu’il a toujours rêvé de voir dans un jeu de rôle et le studio décide de s’auto-éditer, en passant notamment par une campagne de financement participatif… Et cela paie. En à peine une poignée de mois après sa sortie en 2014, 500 000 copies sont vendues. Le succès tant commercial que médiatique est énorme, et le studio souffle enfin financièrement.
Grâce à cela, Larian Studios ouvre des succursales à Québec, Dublin, Kuala Lumpur, Guildford et Barcelone. L’objectif est de faire travailler plusieurs équipes sur différents fuseaux horaires afin que les projets futurs puissent être plus ambitieux encore.
La recette du succès est définitivement trouvée. “Divinity: Original Sin 2” sort en 2017, et dépasse aisément son prédécesseur en termes de ventes. Larian Studios est passé du studio belge ramant pour survivre à LA référence mondiale en termes de RPG à l’ancienne.
L’indépendance, quoi qu’il en coûte
C’est sur cette base que “Wizards of the Coast”, les détenteurs de la licence “Baldur’s Gate”, contactent Larian Studios pour le 3e opus de la série. Ce même groupe qui, quelques années auparavant, n’avait même pas répondu à Vincke lorsque celui-ci avait proposé son studio pour ce même projet.
Après l’envoi de deux versions du pitch du jeu, le groupe américain donne son feu vert et une liberté presque totale au studio belge. S’ensuivent 6 années de développement et le lancement tonitruant que l’on connaît à présent.
Et forcément, une telle success story attire l’attention. Selon des indiscrétions dans le secteur, nombre de gros·ses acteurices aimeraient racheter le studio belge. Mais Swen Vincke est un esprit libre et pas question de changer son fusil d’épaule après ces succès. Il veut garder la main sur les choix créatifs des prochains projets du studio, ne rien brader de ses idées face à l’argent de potentiels racheteur·euses. Et au vu du résultat, il y a de quoi s’en réjouir !
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