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Art généré par l’IA : incroyable révolution ou danger pour le monde créatif ?

Auteurice de l’article :

François Genette

Accro à l’actu, fan de la culture geek, aficionado de tech digitale et gamer acharné, François Genette est passionné par tout ce qui touche au numérique. Journaliste pendant près de 15 ans dans les grands médias nationaux et locaux, il utilise aujourd’hui sa plume pour partager ses découvertes venant des univers qu’il affectionne.

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Elles sont apparues très récemment et ont commencé rapidement à se multiplier sur la toile. Dall-e, Midjourney, Stable Diffusion ou encore Nightcafé sont des plateformes qui génèrent de l’art graphique grâce à l’intelligence artificielle. Mais là où certain·es voient en elles une révolution artistique et digitale, d’autres y voient un danger pour les artistes.

Donnez-lui un “prompt”, c’est-à-dire une requête textuelle à insérer dans un champ de texte destiné à ce propos. Celle-ci peut-être simple ou au contraire très détaillée. Vous pouvez par exemple stipuler quel type d’endroit vous voulez qu’elle dépeigne, quel personnage vous voulez qu’elle intègre, de quel style vous voulez qu’elle s’inspire ou même quel artiste vous voulez qu’elle imite. Attendez ensuite entre quelques secondes et une grosse minute, en fonction de votre demande. Et voilà, vous avez devant vous une œuvre artistique qui reprend toutes vos demandes et les mêle avec un naturel et une fluidité très impressionnante. 

Prenons un exemple concret. Imaginons une image qui dépeint la description suivante : “King Kong pensif dans un style à la Van Gogh” et demandons à la plateforme Stable Diffusion de la générer en dessin avec cette requête.

Image générée par Stable Diffusion

Pas mal, non ? Vous pouvez ensuite répéter ce processus à l’infini en variant les thèmes ou au contraire en spécifiant de plus en plus l’idée de l’œuvre que vous avez en tête, la plateforme s’exécutera et vous offrira ce que vous lui demandez. 

Mais comment une telle technologie a pu être mise au point et surtout, comment fait-elle ? 

IA générative : mode d’emploi

Pour parvenir à dessiner chaque œuvre numérique qui lui est demandée, l’IA générative — c’est de cette manière qu’elle est appelée aujourd’hui — va utiliser une gigantesque base de données comme source d’inspiration. Et cette dernière n’est autre que… le contenu présent sur le web ! Et oui, les milliards d’images — et les légendes qui leur sont associées — qui se trouvent sur la grande toile sont autant d’exemples et d’éléments sur lesquels elle peut s’inspirer, voir même sur lesquels elle peut récupérer des petites parties pour construire sa nouvelle création ! 

Ensuite, c’est à l’aide du réseau de neurones artificiels qui la compose et à la puissance des algorithmes qu’elle intègre dans son processus de fonctionnement que l’intelligence artificielle va commencer à chercher dans cette gigantesque base de données tous les éléments que vous avez demandés. 

Lance Elliot, un expert reconnu mondialement pour sa connaissance sur l’intelligence artificielle l’explique dans Forbes : “Par exemple, imaginons que vous demandez à voir à quoi ressemblerait une œuvre qui représente une grenouille avec un chapeau au sommet d’une cheminée. L’intelligence artificielle va alors analyser vos mots et générer une image qui correspond le plus justement aux mots que vous avez spécifiés. Pour cela, elle va se référer à une ou plusieurs images sur le web qui contiennent une grenouille. Puis, elle va se tourner vers d’autres images qui contiennent une cheminée. Enfin, elle va se tourner vers d’autres images qui comportent un chapeau en leur sein. Une fois qu’elle possède suffisamment de “pièces”, l’IA va identifier ces composants par calcul et chercher à créer une image qui les relie de manière fluide et naturelle”.

Image générée par Night Café

Un outil miracle pour de nouvelles vocations ? 

On les appelle les “prompt artists” ou “artistes de requêtes”. Iels ont des profils très variés et ne sont souvent absolument pas doué·es pour dessiner ou peindre. Mais pour elleux, l’intelligence artificielle générative est une aubaine incroyable. Pour certain·es, cela permet de créer des œuvres graphiques rapidement qui vont servir à diverses fins, par exemple des concept art, c’est-à-dire ces dessins qui servent d’inspiration pour la création d’œuvres plus développées comme des scènes de films ou de jeux vidéo ou encore certaines affiches ou planches de bandes dessinées. Mais ces images peuvent également servir pour la presse, par exemple. 

Et puis, d’autres se sont spécialisé·es dans la création de ces fameux “prompt”, ces requêtes textuelles nécessaires à l’IA pour la génération des images recherchées. Parce qu’avoir un outil tel que Midjourney ou Stable Diffusion à disposition, c’est bien, mais encore faut-il pouvoir avoir les idées de ce qu’on veut générer et surtout, savoir comment les traduire en texte. 

Ces “prompt specialists” profitent donc de plateformes spécifiques comme PromptBase pour vendre leurs descriptions textuelles. Le principe y est simple. Sur le site, vous trouvez des images générées par l’IA. Si celles-ci vous plaisent, il vous faut payer entre 2 et 5 euros pour pouvoir découvrir le “prompt” qu’il y a derrière et l’utiliser à votre tour ! 

Pour le meilleur ou pour le pire ? 

On l’a dit plus haut, l’intelligence artificielle générative a besoin de très (très) nombreuses références pour pouvoir répondre correctement aux requêtes qui lui sont faites et générer l’image désirée. Et la base de données qu’elle épluche à chaque nouvelle demande est composée d’une légion d’œuvres qui ont été créées et qui appartiennent en termes de droits d’auteurice à des artistes. Or, les versions générées par l’IA sont souvent très ressemblantes à des œuvres humaines, elles. Ou alors, elles mélangent carrément des éléments existants de certaines images, sans en reproduire la totalité. 

Et là se pose cette très épineuse question : est-ce oui ou non du plagiat ? Ces plateformes basées sur cette intelligence artificielle ont-elles le droit de prendre comme base des œuvres soumises à droits d’auteurice ? Et, surtout, sachant que leur modèle est la plupart payant, ont-elles le droit de les vendre ? Comme l’explique Anthony Masure, responsable de la Haute Ecole d’Art de Genève (HEAD) dans le journal suisse Le Matin, la réponse à ses questions, n’est, à l’heure actuelle, pas claire : “Le paradoxe, avec Midjourney, (…) c’est qu’en payant la licence (…) on se retrouve propriétaire d’œuvres générées à partir de quelque chose qui ne nous appartient pas. Il y a un vrai danger. C’est une chose qui occupe actuellement beaucoup les juristes et en attendant que cela soit statué, certain·es artistes ont déjà demandé que leurs œuvres soient retirées de ces bases de données, comme le designer Philippe Starck”.

Au-delà de cet aspect juridique, il y a également cette concurrence très bon marché et pas franchement loyale qui se dresse tout à coup face aux artistes. Parce que, c’est une certitude, une telle facilité à créer des images artistiques de qualité en quelques secondes risque bien de créer un grand déséquilibre. Sur la plateforme Artstation — très prisée pour la diffusion d’œuvres digitales destinées au cinéma et aux jeux vidéo — les images générées par l’IA ont commencé à s’accroître de plus en plus, éclipsant les œuvres réalisées par les vrai·es artistes. Cela, au grand dam de ces dernier·ères, comme notamment Dan Eder, senior artist pour le jeu vidéo populaire Multi-Versus.

Les plaintes ont été telles qu’Epic Games, propriétaire de la plateforme Artstation, a publié un long article pour encourager les artistes à ne publier sur leur page que des œuvres qu’ils ou elles ont réellement créées. Cela, en ne bannissant pas pour autant les utilisateurices qui décideraient de continuer à publier des images générées par l’IA. Un bel exercice de grand écart qui représente bien le flou dans lequel baignent ces outils incroyablement puissants. 

Sources :

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