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Géraldine Bueken : les multiples vies d’une experte de la stratégie narrative

Auteurice de l’article :

François Genette

Accro à l’actu, fan de la culture geek, aficionado de tech digitale et gamer acharné, François Genette est passionné par tout ce qui touche au numérique. Journaliste pendant près de 15 ans dans les grands médias nationaux et locaux, il utilise aujourd’hui sa plume pour partager ses découvertes venant des univers qu’il affectionne.

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Un sourire constant sur le visage, un regard déterminé et une incapacité chronique à rester au même endroit plus d’une minute. Elle, c’est Géraldine Bueken, la brillante et hyperactive organisatrice de XR4Heritage. Un événement qu’elle a imaginé, mis en place, lancé et qui, quelque part, porte le reflet de son parcours personnel et professionnel. Rencontre.

13 h 30. On s’est lancé dans l’interview de Géraldine Bueken depuis une petite dizaine de minutes. Entre-temps, son téléphone a sonné deux fois, elle a reçu une dizaine de messages et nous avons été arrêté·es par des membres de son équipe demandant son aide par un “Désolé·e, mais tu es la seule qui puisse nous donner les instructions dont nous avons besoin”.

Pas étonnant. Car XR4Heritage, c’est en très grande partie à elle qu’on le doit. C’est donc en la suivant, presque au pas de course, qu’on tente d’en apprendre plus sur cette personnalité dotée d’un caractère et d’un dynamisme qui forcent le respect.

“XR4Heritage, ce sont avant tout des rencontres professionnelles. C’est le résultat d’un cheminement qui a eu lieu dans ma tête pendant 3 ans. J’ai eu envie de créer cet événement pour accompagner les acteurices de la culture, du tourisme et les médias du service public dans leur transformation “phygitale”. J’insiste sur ce mot parce que c’est à la fois le monde physique et le monde digital qui se rencontrent. La grande question que je me suis posée est de savoir comment créer des intersections et des destinations attractives grâce au numérique.”

©Géraldine Bueken

On accélère encore le pas et elle poursuit : “Depuis 3 ans, j’ai essayé plusieurs approches complémentaires. La première fut de tenter d’inspirer ces acteurices par des rencontres avec des studios actifs dans ces domaines et afin aussi de leur faire découvrir les bonnes pratiques. Sur ces programmes, j’ai accompagné un total de 60 institutions sur à peine deux ans, dont plusieurs villes (Bruxelles, Charleroi, Mons) et de nombreux musées”.

Il ne suffit pas de parler, il faut tester les choses et essayer d’avoir des résultats probants.

Géraldine Bueken

Elle s’arrête, se retourne vers nous et ponctue : “Mon constat après ces échanges est clair : il ne suffit pas de parler, il faut tester les choses et essayer d’avoir des résultats probants”. Une réflexion nous traverse alors l’esprit : on a en face de nous une personne qui sait exactement où elle va.

La storytelleuse qui voulait changer le monde

Mais comment en est-elle arrivée là ? D’où lui vient cette envie presque dévorante de raconter des histoires, et a fortiori, des récits qui mettent en scène des figures de notre passé ? D’où lui vient cette soif inextinguible de mettre en place des outils numériques et faire se rencontrer les personnes qui permettront de faire revivre notre patrimoine historique ?

Des éléments de réponses sont à chercher en premier lieu dans son propre parcours : “J’ai étudié à l’HIECS dans l’option ASEP (animation socioculturelle, animation permanente). À cette époque, j’avais l’utopie de croire qu’on pouvait changer soi-même le monde. J’avais donc comme idée d’utiliser les mass médias pour transformer les mentalités, casser les stéréotypes, réunir le dialogue interculturel sur un même lieu, ce genre d’idées”.

Son truc à elle, c’est le storytelling, la narration. Et c’est avec cette passion qu’elle se lance presque tête baissée, dans un premier job qui va véritablement la former : “J’ai une passion pour l’Afrique depuis toute petite. J’ai toujours eu la conviction que j’allais vivre là. Je suis partie après mes études au Maroc avec un billet ouvert de 3 mois. Cela faisait suite à un festival du film de Namur où j’avais pris des cartes de réalisateur·ices locaux·ales et je leur avais dit que je les rejoindrais dans leur pays. Sur place, j’ai obtenu un travail qui m’a fait rester là-bas 3 ans”.

©Géraldine Bueken

Et ces 3 ans, Géraldine Bueken va les passer à produire pas moins de 30 téléfilms en tant que productrice exécutive. « Ce point de départ m’a permis d’apprendre efficacement à fabriquer des histoires. J’ai ensuite glissé principalement sur le contenu comme scénariste de téléfilms et de longs métrages. Ma volonté, c’était de proposer un côté culturel et non élitiste. J’apprécie la culture qui parle à ma fille comme à ma grand-mère. »

Partie ensuite en Afrique du Sud, elle rentre une première fois en Belgique, mais n’y trouve pas sa place. Elle décide alors de se rendre en France et fait une nouvelle rencontre importante. “J’ai travaillé pour une Marocaine séfarade avec qui j’avais beaucoup de référentiels communs. Grâce à elle, j’ai voyagé un peu partout dans le monde, de festivals en festivals.”

Forte de cette expérience, elle tente un énième retour chez nous, mais ne parvient, une nouvelle fois, pas à s’établir. “J’ai eu tout le mal du monde à trouver un travail et du coup, je suis de nouveau partie au Maroc. Et ce n’est que récemment que j’ai eu le cheminement de vouloir accomplir quelque chose sur mon territoire.”

Un challenge encore plus grand au sein de notre petite Belgique

Et comme à son habitude, elle se jette corps et âme sur cette idée, avec en tête, une réflexion : “J’ai remarqué que quand il y a un fait historique, on dit toujours qu’il est raconté par lae gagnant·e. C’est ce·tte dernier·e qui dicte l’histoire. Or les technologies émergentes nous permettent des récits multiples. C’est donc là-dessus que nous devions travailler”.

Elle décide alors de construire ce qui deviendra XR4Heritage. Mais les débuts ne sont pas évidents, notamment face aux différentes institutions : “Ça a été extrêmement dur, jusqu’à mes 35 ans, pour juste être crédible. On ne m’écoutait pas, à part au Maroc. Pour les Belges en revanche, j’étais “la Belge au Maroc””. Elle poursuit : “Je suis pour les identités multiples. Je suis une femme, mais plein d’autres choses. J’ai l’impression que les destinations que j’ai connues donnaient l’impression aux autres que je ne rentrais pas dans les cases. Je suis un peu trop électron libre pour la Belgique. C’est en tout cas l’image qu’on m’a renvoyée”.

©Géraldine Bueken

Peu à peu, les choses évoluent, et elle parvient à convaincre autour d’elle, avec XR4Heritage, mais aussi avec des projets ambitieux et connexes comme Les Avatars du patrimoine, centrés sur les invisibles de l’histoire belge. Un projet qu’elle souhaite porter jusqu’en 2030, en utilisant les technologies émergentes pour mettre en lumière ces personnages historiques ou invisibles. “Les Avatars du patrimoine, c’est clairement un projet qui est lié à mon parcours. Ce qui m’anime, c’est la lutte contre les stéréotypes, contre le racisme. Et donc dans le secteur muséal, la décolonisation et la lutte contre la xénophobie sont pour moi centrales. Et pour cela, il ne faut pas juste intégrer les technologies émergentes, il faut également changer les techniques de narration.”

Aujourd’hui, les défis restent très importants pour atteindre ses objectifs, mais les choses évoluent positivement : “Je pense qu’il y a beaucoup de gens qui, jusqu’à présent, portaient des projets et qui n’avaient pas de concept. Iels théorisent beaucoup. Moi, je leur amène un narratif qui leur permet de répondre à leurs objectifs !”

Elle conclut, sourire aux lèvres : “Je pense qu’aujourd’hui, on a les bon·nes allié·es autour de la table. On a des acteurices des villes, des acteurices des musées, des acteurices de formations, des studios d’innovation universitaires et un réseau dans toute l’Europe”. Un contexte idéal pour pouvoir atteindre son but ultime : “Ce qui m’intéresse, c’est d’être dans un vécu plus grand que moi pour ne plus me concentrer que ce qui m’intéresse principalement : la stratégie de contenu et créer des idées et des bibles pour construire des pilotes”.

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