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Biotopia : questionner sa place dans le monde du vivant au travers d’une expo

Auteurice de l’article :

Julie Mouvet
Journaliste

À ses heures perdues - pendant que d'autres perdent des journées devant Netflix - Julie, elle, lit, écrit des articles, enregistre des podcasts, monte des vidéos... Un condensé de discipline et de passion qui font d'elle l'ennemi jurée de tout procrastinateurice du dimanche ! Depuis quelques mois, elle a rencontré son binôme rêvé pour co-gérer le média kingkong.

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Vous avez envie de plonger dans l’univers des êtres vivants qui peuplent notre planète et d’en sortir différents ? Rendez-vous au Pavillon, à Namur, jusqu’au 27 novembre pour découvrir “Biotopia”.

Biotopia, c’est la contraction de Biotope et Utopie (Utopia en anglais). L’exposition plonge ses visiteur·euses dans l’univers des êtres vivants qui peuplent notre planète. Un événement qui suit l’ADN du lieu, le Pavillon, espace d’exposition de l’asbl KIKK. “La première exposition, c’était Humans-Machines, confie Charlotte Benedetti, directrice du Pavillon. La question centrale était le rapport de l’humain à la machine. Le KIKK étant souvent épinglé technologie, c’était assez évident. Pour Biotopia, ça l’était moins mais on a pris ce contrepied de dire qu’il est nécessaire d’interroger les enjeux de société, son évolution et les transformations numériques ou la manière dont tout ça peut avoir un impact.”

D’après Charlotte Benedetti, l’une des forces des curations de Marie du Chastel, directrice artistique du KIKK et curatrice de Biotopia, est “d’amener une originalité que l’on ne trouve pas dans d’autres lieux, à savoir le fait de décloisonner et mélanger les disciplines”. L’exposition rassemble en effet près de 30 artistes, designers, chercheur·euses, des personnes belges et internationales qui remettent en question la position centrale de l’humain dans le monde. Biotopia propose de déplacer les points de vue, de nous immiscer au cœur des sociétés non-humaines et de nous ouvrir à la diversité des manières d’être.

Vivre ensemble

Notre corps est composé à 90% de bactéries. Nous vivons ainsi en symbiose avec des populations de micro-organismes qui peuplent les moindres recoins de notre morphologie. Depuis les découvertes de la célèbre microbiologiste Lynn Magulis, nous savons maintenant que l’évolution de la vie découle de la symbiose et de l’interdépendance plutôt que de la concurrence entre les meilleurs individus. À travers l’exploration du vivant, Biotopia raconte comment ces sociétés animales, végétales et minérales peuvent nous apprendre à mieux vivre ensemble et à créer des technologies plus respectueuses de l’environnement.

Face aux impasses annoncées d’un monde que nous ne savons plus penser, comment recréer l’utopie ? Comment cohabiter ? Ce qui est en jeu, rappelle la biologiste et penseuse Donna Haraway, c’est la survie des manières innombrables de vivre et de devenir, les un·es avec les autres sur cette terre.

“Econtinuum” de Thijs Biersteker © Simon Fusillier

Un lieu atypique

Évidemment, proposer une telle exposition n’est pas sans difficulté. Pour sa curation, Marie du Chastel part d’abord du lieu et de ses contraintes techniques. Le Pavillon est en effet un lieu atypique, qui n’a pas été initialement pensé comme espace d’exposition. “Finalement, on n’entre pas tellement dans les cases et cela nous permet d’oser beaucoup de choses. Ça participe à la liberté qui est à la fois une grande force et une grande difficulté, confie Charlotte Benedetti. Ce qui est chouette, c’est que Marie vient avec des tas de pistes, de noms et on construit cette narration ensemble. Ce qui nous amène finalement à Biotopia.” Et pour Marie du Chastel, accueillir une exposition telle que celle-ci dans un lieu comme le Pavillon a d’autant plus de sens qu’il lui rappelle les expériences de biodomes dans les années 70 et 80.

Dans cette exposition, à la fois sensible et poétique, il y a tout un questionnement sur le vivant qui va à l’encontre des discours médiatiques sur le réchauffement climatique. “Plutôt que de donner un sentiment d’incapacité totale face à la grandeur du problème, l’idée était de montrer la beauté, l’intelligence, l’adaptation et l’adaptivité des êtres vivants, le fait qu’on vit en symbiose avec les autres sur cette planète, affirme Marie du Chastel. C’est inscrit dans notre patrimoine génétique et dans nos gênes. Peut-être qu’en observant le vivant et la nature, on peut s’inspirer pour essayer de solutionner ces problèmes sans voir la masse catastrophique, en regardant comment la nature et le vivant s’adaptent, quelle est leur intelligence et en essayant de faire comme elle.”

“25 woodworms” de Zimoun ©Simon Fusillier
“The Transparent Beehive” de Anne Marie Maes ©Antonin Weber

Espace de questionnement et de débat, le Pavillon veut apporter à son public, via Biotopia, des clés pour comprendre le monde. “Prendre le temps d’observer… Toute la médiation de cette exposition est orientée dans ce sens, que ce soit pour un public adulte ou plus jeune”, explique Charlotte Benedetti. Certaines oeuvres sont en effet en évolution constante, comme les peintures du Collectif Muesli. L’obsession du collectif bruxellois Muesli, composé par les artistes Louis Darcel, Hannah De Corte et João Freitas est celle de parvenir à créer une matière ‘idéale’ : une matière-oeuvre en évolution perpétuelle, réagissant constamment à son environnement et ses multiples facteurs constitutifs. Une surface imprévisible n’ayant jamais le même aspect visuel. Les peintures sont hygro-sensibles, c’est-à-dire qu’elles réagissent aux changements de la quantité d’eau dans l’air et subissent donc des modifications visibles de couleur et de texture.

Outre ces matières en évolution, des êtres vivants sont également présents dans l’exposition, notamment les bernard-l’ermite de l’artiste Aki Inomata et les abeilles d’Anne Marie Maes, installées dans The Transparent Beehive, une sculpture vivante sous la forme d’une ruche d’observation. Mais éthiquement, est-ce une bonne idée de mettre du vivant dans un espace d’exposition ? L’équipe s’est posé la question. “Mais faire ce choix, ça permet aussi de créer des espaces d’observation et de sensibilisation. Et cela fonctionne, assure Charlotte Benedetti. On se rend compte à quel point une partie de la population est déconnectée du vivant, du fait de l’observer, de voir des animaux, des plantes.” La ruche est observée à distance par l’artiste Anne Marie Maes, qui est aussi apicultrice. L’équipe du Pavillon a été formée à son entretien.

L’idée de décloisonner, qui fait partie de l’ADN du KIKK, se retrouve entièrement dans cette exposition qui met différents profils en valeur. “Les biologiste ne sont pas les seul·es à avoir un avis sur le vivant. Les philosophes, les poète·esses, les artistes, les designers ont un avis tout aussi intéressant. Quand on regroupe tous ces regards, on arrive à une vision plus riche et nuancée des choses. Un de nos gros enjeux est d’amener les visiteur·euses dans ce changement de perception.”

“Conversation métabolite” d’Antoine Bertin © Antonin Weber

Biotopia s’inscrit également dans la thématique plus large du KIKK Festival, Tales of Togetherness, “qui parle du vivre ensemble entre êtres humains, mais aussi de notre coexistence avec le monde non humain”, explique Marie du Chastel. Durant le festival, qui se déroule du 27 au 30 octobre, vous pourrez d’ailleurs accéder à Biotopia ET au KIKK in Town au prix de 5€.

Biotopia est accessible jusqu’au 27 novembre. Au printemps 2023, vous pourrez découvrir au Pavillon les oeuvres d’artistes multidisciplinaires issus de la Fédération Wallonie-Bruxelles qui évoluent dans les sphères de l’art, la science, la technologie et la société.

Court aperçu de ce que vous pourrez découvrir sur place…

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