ARTTS repense la protection des oeuvres d’art par la technologie
Auteurice de l’article :
Mercredi 7 août 2024, à 7h30, kingkong rencontrait en visio François Toussaint, co-fondateur et CEO de ARTTS. Cette entreprise, qui a décidé de se repositionner en avril 2023, vise à certifier numériquement les œuvres d’art pour garantir leur provenance, protéger leur valeur dans le temps, et envisage dans le futur d’offrir une transmission de l’histoire. Parce que chaque œuvre vaut la peine d’être racontée.
François, c’est le combo de l’entrepreneuriat culturel et créatif. Son parcours en droit, en relations internationales et à Solvay lui ont permis de développer un mindset orienté gestion et économie avec un attrait personnel pour le milieu artistique. En devenant consultant pour l’art, il a pu challenger le business model de salons (entre autres, Antica à Namur) pour les ouvrir à d’autres modèles économiques que ceux qui existent depuis toujours. En effet, il comprend très rapidement que ce qui rend le marché de l’art spécifique, c’est son storytelling.
L’art, c’est un monde de passionné·e. Quand tu entends l’histoire d’un tableau, les pays par lesquels il est passé, son trajet, la succession des propriétaires, les anecdotes. Tu comprends pourquoi les gens achètent des vieilleries.
NFT et FBI
En plein Covid, ARTTS propose alors au marché de l’art de s’ouvrir au numérique. Pour la partie qui vend, ça efface les contraintes et les frontières du physique. Et pour la partie qui achète, elle accède à un catalogue plus large qui leur offre un storytelling permanent. C’est du win win. C’est donc tout naturellement que ARTTS s’est tourné vers les NFT (si le sujet vous intéresse, on vous conseille cet article de Numerama). Premièrement, parce que les NFT permettent une transmission de patrimoine et un accès démocratique à l’art (physique, financier, symbolique). Deuxièmement, parce que l’approche collective des NFT ouvre une nouvelle voie d’utilisation des financements (à des projets de restauration par exemple). Et enfin, parce que le numérique offre des contenus exclusifs. “Avec ARTTS, quand quelqu’un achetait un NFT, on souhaitait lui donner accès à quelque chose en plus. Tu achètes un tableau mais tu as, en plus, par exemple, une interview exclusive de la conservatrice qui te partage des infos qu’on ne trouve nulle part ailleurs.”
Mais, comme François nous le confie, les NFT étaient en fait une FBI, une fausse bonne idée. Pour le marché de l’art classique, fait d’us et coutumes, c’était trop compliqué, trop tôt et volatile par définition. Et bien que l’équipe soit intimement convaincue par le projet, le marché pour ce type de NFT s’avère très restreint voire inexistant.
On se repositionne
ARTTS décide donc de se repositionner avec nuance. On est loin du virage à 180 degrés parce que les fondements sont pertinents. Okay, les NFT, ça ne prend pas pour moult raisons. Mais par contre, les valeurs et possibilités intrinsèques à la technologie sont pertinentes, surtout dans un milieu où les intérêts financiers sont multiples et où, malheureusement, les fraudes sont nombreuses.
Imaginez : un·e collectionneur·euse qui souhaite vendre une de ses œuvres d’art mais qui ne retrouve pas sa documentation. La galerie qui lui a vendu l’œuvre n’existe plus et l’artiste est décédé. Typiquement, ce défaut de documentation fait perdre de la valeur à l’œuvre, dont la provenance sera plus difficile à montrer. Autre exemple : un·e artiste peu scrupuleux·se dit n’avoir réalisé que 12 exemplaires d’une sculpture. Or, plusieurs années plus tard apparaissent d’autres numérotations, ce qui sème le doute sur l’authenticité de l’œuvre et sa valeur évidemment.
ARTTS cherche donc à créer une chaîne de responsabilités pour protéger les œuvres d’art dans le temps, par l’acquisition d’un certificat d’authentification. “Tu veux acheter une œuvre d’art, tu vas par exemple dans une galerie. Tu es intéressé·e par un tableau qui te tape dans l’œil. On va te le présenter, retracer son parcours, interroger les origines. Que tu connaisses ou pas le ou la propriétaire, tu fais confiance. C’est le syndrôme de la blouse blanche qui détient la vérité. Mais ce qu’il faut savoir, c’est que la pulsion du marché de l’art, c’est la transaction. Et ce qu’il y a autour, comme l’admin, la garantie, ça passe à la trappe. Tu vas débourser peut-être des milliers d’euros, et simplement parce que tu fais confiance ou que tu connais le personnel, tu ne demandes pas des documents de base qui permettent d’authentifier ce que tu achètes. C’est dingue quand même. Ce n’est pas tant demander.”
Il l’a répété plusieurs fois : le marché de l’art fonctionne (surtout) sur la confiance. Et il ne s’agit pas de s’en défaire. Non. Il faut simplement redéployer des processus plus objectifs, pas pour faire douter mais pour garantir. Cette vision doit émerger, tant du côté de l’offre que de la demande. Le marché de l’art a évolué avec ses incroyables possibilités mais aussi avec ses risques. Et pour assurer un marché plus ‘safe’, c’est donc une discipline de documentation qui est requise. Si les grandes institutions et collections sont, en général, gérées de manière professionnelle, le marché reste très souvent encore en retard quant aux standards de qualité qui protégeraient mieux les artistes et les collectionneur·euses. Certain·es n’ont aucune nomenclature concernant les œuvres dont iels disposent. L’idée ici, c’est de compiler un tas d’informations pour que tout se passe bien, quel que soit le cas qui se présente : qu’il s’agisse d’une succession suite à un décès, d’une passation, d’une transmission ou simplement, d’une vente (marché primaire) ou d’une revente (marché secondaire). “C’est fou le nombre d’artistes qui ne connaissent pas le droit de suite, qui leur permet de bénéficier d’un pourcentage si leur œuvre est revendue par après. Mais ça, c’est au moment du marché primaire qu’il faut le définir.” Et c’est entre autres, ce que ARTTS offre.
Concrètement ?
Chaque œuvre pourrait (ou devrait du coup) posséder un certificat d’authenticité. Pour ce faire, le processus est assez simple (et le prix de 29€ très accessible) :
- Remplir un formulaire contenant l’ensemble des informations devant être reprises dans un certificat : nom de l’œuvre et de l’artiste, la période, des photos, les matériaux, la description, mais aussi les dimensions, le poids, la taille, etc. Il peut s’agir de tableaux, de sculptures, de photos, de litographies, etc.
- Bien entendu, il faut y annexer plusieurs documents légaux qui certifient la provenance. Si par exemple, les œuvres d’art sont dites “antiques”, il vous faut la certification d’un·e expert·e reconnu·e.
- Ce formulaire est ensuite transmis à un huissier qui, si tout est conforme, valide son authenticité. Ce tiers de confiance est celui qui est le gardien d’un registre confidentiel gardant le contenu des documents confiés.
- Le certificat validé est estampillé d’un “timestamp” et se déploie dans la blockchain, sous un lien URL web3 infalsifiable, le contenu restant confidentiel.
C’est cocasse mais tout est cohérent dans ce repositionnement : les raisons initiales d’utiliser les NFT s’y retrouvent (authenticité, numérique, démocratisation, assurance), la blockchain, qui est une technologie qui dure dans le temps, garantit la passation, et la documentation requise permet d’une part une confiance administrative mais aussi une transmission historique et symbolique. “Ce certificat, c’est le début d’un passeport digital d’une œuvre : on y retrouve ses caractéristiques, ses traits distinctifs, on retrace partout où il est passé, son histoire mais aussi ses acquéreur·euses, etc.”
La boucle est bouclée.
Une histoire, des projets ou une idée à partager ?
Proposez votre contenu sur kingkong.