Sarah Descamps, lauréate belge de l’UNESCO : “Il existe des solutions numériques responsables pour protéger notre planète”
Auteurice de l’article :
En septembre 2024, Sarah Descamps (chercheuse et doctorante à l’UMons) a fait briller la Belgique dans le monde des TIC. D’études pour devenir professeure d’histoire-géo à discours sur la scène de l’UNESCO devant le gratin international des sciences de l’éducation, il n’y a qu’un pas. Ou plutôt plusieurs, synonymes de travail et de passion.
Grâce à son guide en ligne, Sarah Descamps a reçu le prestigieux Prix Unesco Roi Hamad Bin Isa Al-Khalifa 2023 pour l’utilisation des TIC dans l’éducation. Son petit nom ? “EducoNetImpact”. Il prône l’utilisation écoresponsable de la technologie. Un bijou pédagogique de solutions numériques que le climat remercierait s’il pouvait parler.
Ce guide, Sarah Descamps l’a conçu dans le cadre de sa thèse de doctorat au sein du service d’Ingénierie Pédagogique et du Numérique éducatif de l’UMons. “Ma thèse porte sur l’éducation à la sobriété numérique. En d’autres termes, il s’agit de conscientiser les jeunes – mais également les adultes – sur l’impact environnemental des nouvelles technologies”, précise la chercheuse.
Loin d’être dans une démarche de donneuse de leçons, la lauréate poursuit : “Le but de mon guide n’est pas de les éjecter de notre quotidien ou de pointer uniquement qu’elles sont néfastes car cela n’est pas vrai. ‘EducoNetImpact’ montre qu’il existe aussi des solutions numériques responsables pour protéger notre planète”.
“EducoNetImpact”, un outil pensé pour les profs et les élèves
“Je n’avais pas envie d’avoir une thèse qui ne serait pas lue par grand monde parce que, soyons honnête, c’est souvent le cas (rires).” Lui vient alors l’idée de créer un outil qui pourrait aider concrètement car comme elle aime le rappeler : “mon métier consiste vraiment à être sur le terrain. Je ne suis pas une chercheuse qui reste dans son laboratoire à faire des expérimentations”.
Son objectif : sensibiliser les étudiant·es et aider les professeur·es en prenant compte de leur réalité professionnelle. Ainsi avant sa mise en ligne, le projet a été testé auprès de 1.000 enseignant·es. La Montoise précise : “Ce guide pédagogique en ligne comprend énormément de ressources à destination des professeur·es, qu’iels peuvent venir piocher pour leurs cours. Le but est de développer la protection de l’environnement comme une compétence numérique”. Il a été affiné et modifié grâce aux retours reçus sur le terrain, en classe.
“EducoNetImpact” comprend un cours d’auto-formation, des supports d’apprentissage prêts à l’emploi, des jeux pour différents niveaux d’âge (de 5 à 15 ans) et d’autres ressources interactives qui se concentrent sur des sujets diversifiés (à l’instar des effets indirects des technologies, de l’IA, etc).
L’impact du numérique nous touche toustes
Comme le rappelle Sarah Descamps, son guide s’adresse à toute personne qui s’intéresse à son empreinte numérique (pas uniquement au corps professoral).
Sur “EducoNetImpact”, on retrouve aussi des fiches terre à terre qui interrogent nos habitudes quotidiennes. Que consommons-nous quand on joue à des jeux vidéo ? Quel est l’impact environnemental de notre Cloud ? Que se passe-t-il lorsqu’on effectue une recherche sur Internet ? C’est quoi ChatGPT ? Quid des impacts (positifs et négatifs) de la 5G ? Qu’est-ce que le Greenwashing et comment le décrypter ? Autant de thématiques qui sont accessibles en un clic.
Le numérique, ça pollue vraiment ? Spoiler : oui
Déjà en 2018, l’étude “Pour une sobriété numérique” du Shift Project tirait la sonnette d’alarme. La consommation d’énergie du numérique était en hausse de 9% par an et de préciser : “Il est possible de la ramener à 1,5 % par an en adoptant la « Sobriété numérique » comme principe d’action. La transition numérique telle qu’elle est actuellement mise en œuvre participe au dérèglement climatique plus qu’elle n’aide à le prévenir. Il est urgent d’agir”.
Sur son site, le guide pédagogique de Sarah Descamps partage des faits marquants : saviez-vous que le streaming engendre autant d’émissions de gaz à effets de serre que le Chili ou que l’empreinte numérique représente plus que nos voyages en avion ? L’outil “EducoNetImpact” s’avère donc d’une utilité implacable, chiffres à l’appui, puisqu’en 2024, le numérique représente entre 6 et 7 % de gaz à effets de serre, comme le précise l’émission RTBF “Y’a pas de planète B”.
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Destinée à être prof d’histoire-géo, devenue la “Greta Thunberg” de l’UMons
C’est avec beaucoup de spontanéité et d’humour que Sarah nous confie qu’à l’UMons, on la surnomme parfois “miss environnement” ou “la Greta Thunberg de la fac” et cela la fait sourire : “particulièrement quand je débarque avec mon K-WAY jaune”.
Pourtant, rien ne la destinait à suivre cette carrière : “J’ai eu un parcours scolaire assez classique. Avec des difficultés d’apprentissage que beaucoup d’élèves peuvent rencontrer. J’avais du mal en maths et en sciences. Je devais beaucoup bosser pour avoir mes points”.
Dès l’adolescence, Sarah a déjà ce petit côté geek et une passion émergente pour le numérique : “Lorsque j’étais à la maison, je considérais le PC comme un divertissement. Dès le début de mes secondaires j’adorais mettre mes notes au propre sur Word ou sur PowerPoint. Si à l’heure actuelle, cette pratique est monnaie courante, à l’époque j’étais la seule en classe à le faire. J’avais également choisi l’option informatique. Bien que cela ne soit que deux heures de cours par semaine, le lien avec le numérique était déjà là”.
Le monde de la recherche académique et des TIC, Sarah Descamps n’envisageait pas d’y évoluer professionnellement. Elle se destinait à devenir professeure d’histoire-géo. C’est durant son master en sciences de l’éducation qu’elle a eu le déclic. Dans sa promo, la route des étudiant·es était déjà toute tracée, mais la doctorante en décide autrement : “Tout le monde choisissait la finalité enseignement et apprentissage (pour devenir prof). Et plus j’avançais dans mon parcours scolaire, moins j’avais envie de poursuivre dans ce domaine”.
Un jeu CD Rom pour enfants a fait basculer son choix. Elle dévoile cette mignonne anecdote : “Si j’ai choisi une finalité ‘technologie éducative’, c’est grâce à des jeux comme “Lapins Malins”. Lorsque j’étais petite, je passais des heures devant le PC à apprendre en m’amusant. En ce qui concerne la recherche, c’est grâce à mon chef de service. Il m’a proposé un job dans le cadre du pacte d’excellence. J’étais encore étudiante. J’ai adoré, ça été la révélation”.
Une compétence numérique “oubliée” et un prix de l’UNESCO en poche
Une fois son master terminé, Sarah Descamps décide de réaliser sa thèse : “J’ai repéré une compétence numérique qui n’avait jamais été exploitée dans la littérature scientifique”. C’est cette fameuse compétence oubliée, reléguée au second plan qui lui ouvrira la voie pour créer “EducoNetImpact”. Elle détaille : “La Commission Européenne a mis en place un socle de compétences numériques (par exemple : ‘apprendre à faire une recherche d’informations en ligne’). Parmi celles-ci, une petite compétence n’avait presque pas été abordée, celle de ‘protéger l’environnement’. C’est de cette manière que je suis arrivée à la recherche. En très résumé, son objectif est de conscientiser chaque citoyen·ne à l’impact du numérique sur l’environnement”.
Cette trouvaille remonte à 2020. Quatre ans plus tard, grâce à l’outil qu’elle a développé, Sarah Descamps s’est retrouvée lauréate sur la scène de l’UNESCO à Paris devant un jury international d’expert·es en sciences de l’éducation pour présenter son projet.
Un moment fort en émotions, une grande reconnaissance et surtout l’occasion de visibiliser l’éducation à la sobriété numérique et l’importance de la développer dans le monde. Son dossier s’est distingué parmi 71 candidatures soumises par 39 États membres de l’Unesco. “Le jury a particulièrement apprécié le fait que ma thématique ne soit pas souvent abordée dans l’éducation alors qu’elle est cruciale”, confie Sarah Descamps.
Une belle vitrine pour un travail de longue haleine avec à la clé la somme de 25.000 dollars pour continuer à développer “EducoNetImpact”. D’ailleurs, depuis qu’elle a remporté le prix, la jeune chercheuse montoise reçoit énormément de sollicitations. Elle aimerait faire traduire “EducoNetImpact” en anglais afin de toucher encore plus de personnes. Une fois sa thèse finie, elle souhaite se lancer en tant qu’entrepreneuse via la mise en place d’une offre de consultance et de formation à la sobriété numérique.
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