La Catalogne en Belgique – Mission 72h

Auteurice de l’article :
Le 21 juin, le KIKK recevait une délégation catalane composée de 15 structures artistiques (entreprises, artistes, organisations). Au menu : des pitchs, des rencontres, l’inauguration d’une expo, de la culture tech… et des bières. OF COURSE.
C’est comique parce que quand on a appris la venue de cette délégation à Namur, on n’avait pas forcément la représentation d’une Catalogne active dans le secteur des industries culturelles et créatives. Les stéréotypes du sud sont tenaces et plutôt que d’y imaginer un vivier culturel foisonnant dans la tech et le numérique, on y voyait plutôt de la tradition un peu vieillotte. Autant vous dire qu’on a pris une bonne claque !
Pour planter le contexte, c’est le Ministère de la Culture qui, à travers l’Institut Catalan des Entreprises Culturelles (ICEC) et sa marque d’internationalisation Catalan Arts, a organisé une mission de 72 heures autour des cultures numériques pour 15 entreprises catalanes. Cette délégation est passée par Rotterdam, Leuven, Bruxelles et a fini son business trip chez nous, au KIKK. Cette mission pilote avait un triple objectif : d’une part découvrir et comprendre en profondeur les infrastructures de base dans les ICC des deux pays, d’autre part promouvoir le secteur catalan à l’étranger pour créer des liens et des opportunités de collaborations futures et enfin, rassembler une communauté digitale et créative dans une mission pilote excitante, professionnelle, humaine et teintée de bières, de frites et de karaoké !

La délégation
En vrai, c’est du beau monde qu’on a reçu. D’abord, parlons des structures organisatrices : Catalan Arts, représentée par Maria Basora, Nùria Bultà, Paula Cáceres et Eva Colom, des badass qui portent la marque d’internationalisation de l’ICEC dans le B2B. En d’autres termes, elles accompagnent les artistes dans leur commercialisation, dans la mise en relation et la connaissance d’homologues et/ou d’acheteur·euses potentiel·les, dans la mise à disposition de ressources et dans la création d’évènements pour favoriser leurs activités commerciales.
On a aussi pu rencontrer le département de l’Innovation et de la Culture Digitale du Ministère (représenté par Marisol López et Dani Gimeno) dont l’objectif principal est de soutenir et de promouvoir des projets et des initiatives qui lient l’art, la culture avec les industries digitales. Dans cette démarche, on a ainsi découvert un plan colossal : « Catalunya Media City » avec Marc López Ribes et Ribera Garcia Rojo. En très bref, Catalunya Media City c’est la transformation de la zone Tres Xemenneis (entre les communes de Sant Adrià del Besos et Badalona) en un nouveau quartier urbain dédié à la créativité, à l’innovation digitale et à l’audiovisuel. Une sorte d’épicentre créatif, technologique et économique qui disposera d’installations, d’espaces d’expérimentation et de laboratoire, d’un parc audiovisuel, de lieux de formations et de services pour soutenir et dynamiser l’écosystème ICC catalan. Une silicone valley à la catalane quoi.
Ensuite, la parole a été laissée à la délégation elle-même, composée des 15 studios, associations, structures culturelles et digitales catalanes sélectionnées : Blit.studio, Desilence, Eyesberg, Gabriel Casanova, Grup Lavinia, Hamill Industries, Insectotròpics, Mouawad Laurier, Mutacions, New Art Foundation, Sínoca, Tigrelab / Tiler Gab, XR Wellness et Zertifier.

Alors, il n’y a aucun doute, on est dans le digital en plein : des technologies immersives, du mapping grandeur New-York, des néons mauves, des lights shows hypnotiques et du motion design tellement dingue qu’on en a la tête qui tourne. Bien entendu, chaque structure a son ADN propre, ses préférences techniques, sa spécialisation, son public. Elles sont toutes uniques. Pourtant, lors leur brève présentation d’une dizaine de minutes, on a identifié d’une manière assez évidente un dénominateur commun : le sens derrière la pratique. Ça a fait tilt quand Anna Diaz Ortuño d’Hamill Industries a pris la parole : « oui, on va vers des nouveaux formats, oui, on fait de la performance mais avant tout, on « craft ». Et quand elle a insisté sur le crafting, l’artisanat, l’expérience, on a écouté les pitchs suivants avec un autre regard : avant d’être, pour certain·es, des studios internationaux, ce sont toutes et tous des artistes qui veulent créer, explorer, tester. Alors oui, on passe toujours par les besoins de base, aux nerfs de la guerre (aka les tunes) mais à chaque fois, à chaque discussion, on revient au sens et à ce qui les fait réellement vibrer. C’est peut-être ça qui incarne la démarche artistique et les artistes finalement.
Peindre en live des tableaux gigantesques
Notre révélation du jour s’est confirmée lors de notre entretien avec Tatiana Halbach de Desilence. Elle nous affirme avec des yeux pétillants et d’un ton assumé qu’elle, ce qu’elle aime faire, c’est peindre avec de la vidéo. Et ce, depuis qu’elle est ado. OK-AY. On ne comprend pas de suite mais la passion avec laquelle elle nous cause nous captive. Elle nous raconte comment sa découverte du logiciel VDMX est une étape clé dans sa carrière : c’est son ouverture vers la performance vidéo live. Mais, la peinture n’y est pas encore. Elle va finir par réaliser son rêve après avoir rencontré Søren Christensen (son partenaire dans l’amour comme au taf). Le duo va alors mixer 2 logiciels : VDMX et Notch, un logiciel 3D en temps réel. Son interface « WYSIVYG » (What you see is what you get) lui permet alors de donner des coups de peinture digitale sur des tableaux de scénographie grandeur nature. Et là d’un coup, quand on l’écoute, tout prend son sens.
Tiler Gab, le spin off artistique
On a aussi rencontré Mathieu Félix, comme le chat (c’est lui qui l’a dit). Ce marseillais, basé à Barcelone depuis 17 ans, a co-fondé avec Javier Pinto et Federico Gonzales, TigreLab, un studio de création de contenus digitaux qui racontent des histoires (animations 2D et 3D, light shows, motion design, VR, VFX, installations interactives et immersive, etc.) Partis de rien, c’est surtout avec des client·es privé·es qu’ils ont démarré. Puis, le projet s’est développé, ils sont passés de trois à une quinzaine, les intentions ont évolué et les projets ont dû être plus rentables. Et même s’ils ont à cœur de mettre la créativité avant tout – Mathieu insiste sur le fait qu’ils ne sont pas une « productora » – il n’en reste pas moins que certains projets ont une démarche plus commerciale qu’artistique. Et pour contrer cette réalité financière, ils ont une idée de génie : une spin off artistique, appelée Tiler Gab (anagramme de TigreLab). Alors ici, c’est certes moins juteux mais c’est le laboratoire, on resserre le propos, on fait ce qu’on aime et ce qu’on a envie. Mathieu, emballé d’en parler, ramène son sens artistique à l’humain, à l’émotion, à la théâtralité de la technologie parce que lui, ce qu’il aime, c’est le spectacle vivant. C’est donc tout naturellement qu’il nous raconte « Alice ».
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