Pascale Delcomminette : “La force des ICC wallonnes, leur agilité et leur capacité à collaborer”
Auteurice de l’article :
Dans un monde où les industries culturelles et créatives (ICC) franchissent les frontières à la vitesse des idées, l’AWEX et WBI jouent un rôle clé pour connecter les talents wallons à l’international. Comment soutiennent-ils concrètement cette dynamique d’ouverture, et quelles opportunités s’esquissent pour les créateurs et créatrices de demain ? On a posé quelques questions à Pascale Delcomminette, directrice générale de l’AWEX et WBI.
L’internationalisation des ICC passe souvent par des réseaux, des partenariats et des échanges. Comment l’AWEX et WBI accompagnent-ils concrètement les acteurices créatif·ves dans cette ouverture à l’international ?
À l’AWEX, nous accompagnons les entreprises créatives un peu comme nous le faisons avec les startups technologiques : nous les aidons à se connecter, à trouver des partenaires, des marchés, des réseaux à l’étranger. Notre rôle, c’est d’amener ces talents à transformer leurs idées en opportunités concrètes de développement. WBI, de son côté, agit dans l’accompagnement des acteurices culturel·les, académiques et scientifiques (Universités, hubs créatifs, hautes écoles, ASBL, festivals,…). Ensemble, nous créons des passerelles entre la créativité de la Fédération Wallonie-Bruxelles, de la Wallonie et l’international. Nous jouons un rôle de facilitateur entre notre écosystème et ceux existants à l’étranger.
Quels sont les principaux leviers ou programmes mis en place pour favoriser la mobilité, la coproduction ou la présence à l’étranger des entreprises créatives ?
Nos principaux leviers sont nos missions économiques, nos pavillons collectifs sur les grands événements internationaux, et des programmes de coproduction que nous montons avec nos partenaires. L’idée, c’est de permettre aux créatif·ves de voyager, de rencontrer leurs pairs, et surtout de transformer ces échanges en vraies perspectives de développement économique. L’AWEX et WBI agissent comme connecteurs, mais aussi comme catalyseurs pour que ces projets débouchent sur des collaborations concrètes à l’étranger.
Quelles sont, selon vous, les spécificités ou les atouts des ICC wallonnes par rapport à d’autres régions européennes ?
Ce qui fait la force des ICC wallonnes, c’est leur agilité et leur capacité à collaborer. Ici, les artistes, les chercheur·euses et les entrepreneur·euses se parlent facilement. Il existe une très bonne interconnexion au sein de la chaine de valeur créative. Nous avons une vraie culture du mélange entre art et technologie avec un écosystème qui a l’habitude de travailler ensemble. Cela crée une valeur ajoutée unique. À l’AWEX, notre travail est de rendre cette singularité visible à l’international, de la positionner comme un avantage compétitif. Et puis, notre position au cœur de l’Europe est un atout logistique et symbolique fort.
Comment évaluez-vous l’impact d’événements comme le KIKK sur la perception internationale de la Wallonie comme territoire créatif et innovant ?
Très positivement ! Le KIKK est un amplificateur pour l’image de la Wallonie. Chaque année, on y voit arriver des professionnel·les du monde entier : investisseur·euses, curateurices, journalistes, créateurices,… C’est une vitrine internationale qui montre une Wallonie créative, innovante et ouverte. Et pour nous, à l’AWEX et WBI, c’est une plateforme incroyable de mise en relation et de développement de projets.
Le KIKK est certainement prêt à passer un niveau supérieur avec encore plus de dimensions internationales, plus de présence d’acheteur·euses, de curateurices étranger·es, de formats business – le KIKK doit conforter sa place de rendez-vous européen incontournable de la créativité numérique.
Le KIKK Festival est reconnu comme un événement international majeur dans le domaine de la créativité et de l’innovation. Selon vous, qu’est-ce qui fait sa singularité et son rôle moteur pour les ICC wallonnes ?
Ce qui rend le KIKK si singulier, c’est sa capacité à brouiller les frontières entre arts, sciences et technologies. C’est un laboratoire vivant où se croisent artistes, entreprises et chercheur·euses. C’est le “lieu totem” dont l’écosystème créatif de la Fédération Wallonie-Bruxelles et la Wallonie ont besoin. Cette transversalité, c’est exactement ce qu’on veut encourager à l’AWEX et à WBI : une économie créative qui innove, qui exporte et qui crée de la valeur.
En quoi ce type d’événement s’inscrit-il dans la stratégie globale de l’AWEX et de WBI pour soutenir la visibilité internationale des talents créatifs wallons ?
Le KIKK s’intègre dans nos stratégies en mettant en avant nos talents, le savoir-faire et notre créativité, en attirant des visiteur·euses étranger·es et en étant un lieu de convergence pour les délégations internationales, en favorisant les rencontres professionnelles et en étant un lieu de veille technologique important.
Le “wake ! tour” que nous soutenons activement, est un excellent outil. Il fait découvrir les écosystèmes créatifs wallons sur le terrain, comme cette année à Charleroi et à Bruxelles, et il crée des liens directs entre créatifs wallons et partenaires internationaux. Notre ambition, c’est de renforcer encore ce type de dispositifs autour du festival pour créer une véritable “expérience Wallonie” : un parcours complet, immersif, qui montre la vitalité et la diversité de nos industries créatives.

Concernant la Grande Région Créative, quels sont ses objectifs et comment ce projet s’articule avec le travail de l’AWEX et de WBI ?
La Grande Région Créative a pour ambition de renforcer les liens entre les écosystèmes numériques et culturels de part et d’autres des frontières – au Luxembourg, en Allemagne, en France et en Wallonie. Son objectif est double : soutenir les entreprises créatives et technologiques dans leur développement international et structurer un véritable réseau transfrontalier d’innovation favorisant les échanges, la coproduction et la circulation des talents.
Depuis le 1er janvier 2025, la Wallonie assume la présidence de la Grande Région pour une période de deux ans. Cette responsabilité renforce notre rôle moteur dans la mise en œuvre de projets concrets de coopération économique, culturelle et technologique à l’échelle transfrontalière. Le projet s’intègre pleinement dans les priorités stratégiques de l’AWEX et de WBI, qui consistent à accompagner l’internationalisation des industries culturelles et créatives wallonnes, à développer des partenariats durables et à accroître la visibilité de la Wallonie sur la scène européenne.
En quoi cette coopération transfrontalière est-elle un accélérateur d’internationalisation pour les entreprises culturelles et créatives wallonnes ?
La coopération transfrontalière agit comme un véritable accélérateur d’internationalisation pour nos entreprises culturelles et créatives. Elle leur offre un accès privilégié à des marchés voisins dynamiques, à des partenaires potentiel·les et à des acheteur·euses qualifié·es, dans un environnement culturellement proche mais économiquement complémentaire. Concrètement, des actions, comme le wake ! tour et la Grande Région Creative, permettent à nos entreprises de tester leurs offres, partager leur expertise et construire des alliances durables, notamment grâce à des rencontres B2B, des visites immersives et des opérations de réseautage à forte valeur ajoutée.
Le KIKK, en tant que plateforme internationale, peut-il jouer un rôle de pivot dans ce réseau de la Grande Région Créative ?
Absolument. Le KIKK est aujourd’hui une vitrine internationale majeure de la créativité numérique. C’est un lieu de convergence unique où se rencontrent artistes, start-ups, chercheurs, institutions et investisseurs venus du monde entier. Dans le cadre de la Grande Région Creative, le KIKK joue un rôle de pivot stratégique. Il accueille notamment le panel “Creative Sparks Across Borders”, un temps fort dédié à la coopération transfrontalière et à la construction d’un véritable hub créatif européen.
Grâce à son ancrage à Namur et à sa réputation mondiale, le festival offre une visibilité exceptionnelle aux talents wallons et crée des passerelles concrètes avec d’autres délégations internationales, venues du Québec, du Royaume-Uni, de la Suisse, ainsi qu’avec l’ensemble de l’écosystème wallon et bruxellois.
Quels sont les défis auxquels sont confrontés les écosystèmes d’innovation numérique, et comment peuvent-ils les surmonter en renforçant les liens ?
Les écosystèmes d’innovation numérique font face à plusieurs défis majeurs : la fragmentation des acteurices, la rareté des talents spécialisés, la rapidité d’évolution des technologies immersives, mais aussi la difficulté de transformer la créativité en valeur économique partagée. En Wallonie, on a beaucoup d’idées, beaucoup de prototypes, mais il faut passer à la phase suivante.
À cela s’ajoutent des lourdeurs administratives encore trop présentes dans les différents pays partenaires, ainsi que des silos persistants entre les approches purement artistiques et leurs applications industrielles, notamment dans le cadre de l’industrie 4.0. Pour surmonter ces obstacles, la clé réside dans la coopération transfrontalière et dans une mise en réseau structurée des acteurs. C’est précisément la démarche portée par la Grande Région Créative. C’est en conjuguant nos forces que nous pourrons bâtir un écosystème européen de l’innovation plus agile, plus créatif et plus compétitif.
Quels types de synergies ou de coproductions transfrontalières observez-vous déjà émerger grâce à cette dynamique ?
Nous voyons déjà émerger des coopérations très concrètes au sein de la chaîne XR et immersive, qui s’étend des laboratoires technologiques — tels que Sirris ou A6K — aux studios créatifs comme Dreamwall, InMersiv ou Vigo Creative, en passant par la formation et la recherche appliquée avec Technocité et son XR Academy, sans oublier les jeunes entreprises du jeu vidéo comme Maracas Studio.
Cette diversité illustre la richesse de notre écosystème et la complémentarité des expertises présentes dans la Grande Région. Les premiers échanges engagés lors du wake ! Tour et du KIKK Festival préfigurent déjà des coproductions, des projets Interreg et des collaborations commerciales à moyen terme dans les domaines de la réalité augmentée, du jeu vidéo, du design numérique et des applications industrielles immersives.
De manière plus générale, quels sont, selon vous, les principaux défis que les ICC doivent encore relever pour s’exporter davantage ?
Le grande défi des ICC, c’est la structuration à l’international. Passer d’un projet artistique à un produit ou à un service exportable, c’est une vraie étape. Il faut du financement, des compétences commerciales et une bonne compréhension des marchés étrangers. Et c’est précisément là que l’AWEX intervient : en accompagnant les créateurices dans cette transformation et en leur ouvrant les bonnes portes à l’étranger.
Comment voyez-vous l’évolution du rôle de l’AWEX et de WBI dans les prochaines années, à l’ère des transitions numériques, écologiques et culturelles ?
Le rôle de l’AWEX et de WBI va clairement évoluer. Nous serons de plus en plus à la croisée des chemins entre économie, culture et durabilité. Nous accompagnerons davantage de projets hybrides, à la fois créatifs, technologiques et responsables. Et notre mission restera la même : aider les talents wallons à rayonner à l’international, en s’inscrivant dans les grandes transitions numérique et écologique.
Si vous deviez citer une réussite emblématique illustrant la collaboration entre l’AWEX/WBI et les ICC (ou le KIKK), laquelle choisiriez-vous ?
C’est difficile de ne citer qu’une seule réussite, je vais donc choisir deux exemples emblématiques. La premier est la collaboration entre l’AWEX, WBI et le KIKK sur des projets internationaux en vue de l’Exposition Universelle 2025 à Osaka. C’est un très bon exemple de ce que peut donner la convergence entre culture et économie : de la visibilité, de la crédibilité et de vrais opportunités à l’étranger.
Le deuxième exemple est celui de la Belgium House lors de la première édition de South by Southwest (SXSW) Festival à Londres. Cela a permis de poser les bases à de futures collaborations scientifiques, artistiques et économiques avec le Royaume-Uni suite au Brexit. À l’occasion du KIKK Festival, j’ai d’ailleurs annoncé une deuxième édition de la Belgium House en juin prochain.
Ce sont typiquement le genre d’initiatives où on montre, ensemble, ce que la Wallonie sait faire de mieux.
Enfin, quelle est votre vision du futur : à quoi ressemblera, selon vous, la Wallonie créative et internationale de demain ?
J’imagine une Wallonie créative pleinement connectée à l’Europe et au monde. Un territoire où artistes, ingénieurs et entrepreneur·euses collaborent naturellement. Où la créativité numérique devient un moteur de développement durable, d’innovation et d’attractivité. Et des événements comme le KIKK peuvent jouer un rôle dans cette vision : en devenant de véritables hubs internationaux de la création, capables d’attirer et de surprendre le monde entier.
Le KIKK est un ambassadeur de la créativité wallonne, mais il a encore un potentiel immense. En amplifiant son rayonnement professionnel et international, on pourrait en faire un véritable “hub” européen de la créativité numérique — un moment que le monde des ICC attendrait chaque année avec impatience.
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