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Hacker Protester: the call to revolution by the hacktivist designer Geoffrey Dorne

Article author :

Elsa Ferreira

Elsa has been a journalist for ten years and specialises in technology and culture. A fan of counter-cultures, she observes and deciphers the impact of technologies on society. She regularly contributes to magazines such as Makery, Pour l'Éco or L'ADN.

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Avec Hacker Protester, guide pratique des outils de lutte citoyenne, sorti en avril 2022, Geoffrey Dorne recense les outils de contestations qu’utilisent les citoyen·nes à travers le monde pour se faire entendre. Un livre auto-édité qui s’inscrit dans une pratique du design engagée et (h)activiste, que Geoffrey Dorne façonne depuis plus de 10 ans. Entretien.

Qu’est-ce qui vous a poussé à écrire Hacker Protester ?

J’ai toujours eu ce côté hacking, détournement, rebelle. J’ai fait mon projet de diplôme sur le hacking de citoyenneté qui a donné lieu à mon premier livre Hacker Citizen. Dans ce livre, je raconte comment les citoyen·nes peuvent se réapproprier l’espace urbain par l’écologie, le partage, la culture, etc.

Quelques années plus tard, j’ai observé les révolutions citoyennes qui ont eu lieu dans le monde, entre les gilets jaunes, les manifestations chiliennes, les révoltes au Kazakhstan, les manifestations aux États-Unis ou à Hong Kong. J’ai vu des dizaines de milliers de citoyen·nes trouver des idées pour manifester, protester, se protéger de la répression policière et je me suis dit qu’il fallait que cette culture de la protestation se propage. Cela passe par des idéaux politiques, mais aussi par des outils que les gens peuvent se procurer, détourner, comme des bouées gonflables ou des lasers.

Culture et protestation sont très liées.

Geoffrey Dorne

Dans ce livre, j’explique l’importance de la culture du pays. Par exemple au Chili, il y a beaucoup de pêcheur·euses. Pour enrayer les véhicules de police, les citoyen·nes ont utilisé des filets de pêche remplis de matériaux divers comme des planches, des clous, des déchets métalliques, etc. En Thaïlande, ils fabriquent beaucoup de tapis et les manifestant·es les ont utilisés pour étouffer les gaz lacrymogènes. Culture et protestation sont très liées.

Vous dites vouloir propager cette culture. Appelez-vous les gens à la révolution ?

Bien sûr ! Il faut que les citoyen·nes puissent faire entendre leur voix, c’est le principe de la démocratie. Ça passe évidemment par la rue et il faut avoir des armes singulières, pas forcément létales ou violentes, pour se protéger et continuer de s’exprimer face à la surdité des États.

Vous listez cent outils de tactiques, de modes d’expression. Comment avez-vous fait cette recension ?

J’ai fait un an et demi de recherches, des interviews auprès de manifestant·es, des historien·nes, des sociologues, des journalistes. J’ai écumé Internet dans les forums les plus profonds et obscurs, j’ai vu beaucoup de documentaires et pas mal de livres, je fais de la veille, les gens m’envoient des choses et ça se constitue petit à petit.

Je les classe ensuite par thématiques : les outils de protestation, de communication, les outils défensifs, offensifs, anti-drones – car aujourd’hui il y a beaucoup de drones dans les airs ou sur terre pour espionner ou empêcher les citoyen·nes de manifester.

Vos premières lignes s’adressent à Amazon. Que lui dites-vous ?

Je dis que ce livre ne sera pas vendu sur Amazon et j’explique pourquoi. Il y a les conditions de travail, les conditions anti-syndicats, les fraudes à la TVA, les fraudes fiscales, l’abus de position dominante. Ils diffusent des ouvrages négationnistes, antisémites, racistes, pédophiles. L’impact environnemental : Amazon, c’est aussi beaucoup de serveurs, ils surproduisent énormément de produits, détruisent beaucoup d’invendus. Tout ça détruit l’habitabilité du monde pour enrichir Jeff Bezos, qui a une fortune de plus de 120 milliards de dollars et fait du tourisme spatial. Tout ça va à l’inverse de ma vision du monde.

En effet, vous avez réalisé votre livre en auto-édition. Ça fait partie du message ?

J’ai sorti mon premier livre avec une petite maison d’édition. Ça s’est très bien passé mais j’ai voulu pour celui-ci tout faire de A à Z pour montrer que cette indépendance est possible. C’est beaucoup de travail. En plus de l’écriture et du dessin, il faut trouver un imprimeur, s’occuper des envois par la poste, des retours colis, de la diffusion et la publicité du livre. Je suis distribué dans une quinzaine de librairies en France et en Europe. C’est un bon challenge. Je m’y retrouve financièrement et je peux apporter un souci de soin dans l’emballage, ajouter des petits mots, ce qui fait que les gens sont encore plus contents.

© Geoffrey Dorne

Vous avez produit avec le designer Jérémie Fontana le podcast Hackstock, sur la vie privée et la culture hacker (RGPD, Snowden, etc.). Pourquoi la figure du hacker vous intéresse-t-elle ? Vous-même, êtes-vous un hacker ?

La figure hacker m’a toujours intrigué et plu. Quand j’étais enfant, avec mon frère, qui est dans le domaine de l’informatique, on s’est amusé à faire des choses qu’il ne faut pas faire, comme s’introduire sur l’ordinateur de quelqu’un avec qui on discute – sans jamais détruire quoi que ce soit. Quand j’étais au lycée, on faisait des découpes sur les cartes à puces des cabines téléphoniques pour qu’elles durent plus longtemps. Ces petits piratages du quotidien m’animaient.

Je n’aurais pas la prétention de dire que je suis un hacker mais ce sont des figures et des processus qui me sont essentiels. En tant que designer, cela m’inspire pour faire les choses autrement que la grande voie dans laquelle tout le monde s’installe pour être beau·elle, riche, intelligent·e, à la mode.

Dans le domaine, nous avons beaucoup de design industriel : on fait des voitures, des applications. Comment utiliser le design pour répondre à des enjeux sociaux, politiques, à des idéaux, des engagements plutôt qu’à des client·es ? Quand j’étais à Paris, je faisais beaucoup de projets pour les personnes réfugiées. Je fais des projets pour accompagner l’éveil à l’environnement. J’essaie de hacker le design.

Justement, quel est le rôle du design dans l’activisme ?

Pour l’instant, il est très faible. La majeure partie des designers font ce qu’on leur dit, répondent à des grosses commandes industrielles et gagnent le maximum d’argent.

Mais certain·es se demandent comment faire de l’(h)activisme en utilisant le design. Par exemple, iels font de la communication graphique pour des causes climatiques. D’autres font du militantisme dans la culture, du militantisme pédagogique en faisant des workshops pour que les étudiant·es arrêtent de faire des montres et des voitures mais fassent plutôt des abris pour les personnes réfugiées ou les sans-abris. Moi, j’essaie de militer à ma manière pour promouvoir la mobilité inclusive, la culture différente, le low tech, l’environnement.

Aujourd’hui, il n’y a pas de budget dans l’activisme et les designers ne peuvent pas gagner leur vie avec ça. J’essaie de diminuer mes besoins, de vivre de façon plus autonome, plus résiliente, plus modeste. Je me passe de beaucoup de choses mais ça me permet d’avoir le champ plus libre pour être activiste par le design.

Et demain, quel futur pour les designers ?

C’est une question que je me pose tout le temps. Pour moi, le design de demain sera d’accompagner ses proches, sa communauté locale et soi-même vers plus de résilience et d’indépendance.

On subit déjà et on va subir encore plus des chocs – économiques, climatiques, écologiques, des effondrements difficiles. J’aspire à ce que le métier de designer ne soit pas d’accompagner la planète entière – des millions de consommateurices -, mais au contraire des dizaines et des centaines de personnes, d’être sur un aspect réduit et local. On va peut-être me traiter de fou, mais c’est la manière dont je m’engage dans le design.

© Geoffrey Dorne
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